La semaine dernière, pour déconner un peu, j'ai parlé en mal du compostage et de l'obligation de confiner nos déchets de table dans un petit bac brun. J'habite Rosemont-La Petite-Patrie - RoPePa, selon le diminutif consacré -, où nous avons un maire qui non seulement s'habille en hipster, mais qui est politiquement progressiste: il est de Projet Montréal.

D'où la collecte des déchets de table décrétée récemment par l'arrondissement, l'un des rares à faire cette collecte. Ces pelures de banane, croûtes de pain et autres coquilles d'oeuf seront plus tard et plus loin transformées en compost.

Et ça m'embête. Car ça bouleverse mes habitudes, ce qui réveille le Schtroumpf grognon en moi.

Voyez-vous, je suis progressiste, mais tant qu'on ne change pas la direction des rues que j'emprunte pour déposer mon fils à l'école. Ou l'horaire du ramassage des vidanges. C'était le lundi et le jeudi, les vidanges. J'avais finalement réussi à métaboliser cet horaire. Mais, gracieuseté de notre maire hipster et progressiste, ce sera désormais seulement le jeudi.

Le lundi?

Ce sera le bac brun des restants de table. Fini les sacs Glad. Je bougonnais, dans cette chronique, contre cet affront à mes habitudes.

«J'ai lu votre chronique et c'était vraiment crétin», m'a fait savoir Marc-Olivier Girard, qui n'a pas aimé que j'aie confiné le compost à ma Corée du Nord personnelle et imaginaire.

«J'imagine que vous préférez continuer de mettre vos déchets organiques dans votre sac Glad, écrit-il, et que ce soit envoyé dans un dépotoir loin de chez vous (que vous ne voyez jamais), que ça putréfie et que ça pollue ensuite les nappes phréatiques? Tout cela pour le petit confort de M. Lagacé. Pauvre lui, le compost, c'est la Corée du Nord...»

Bien réchauffé, M. Girard a alors sorti les gros, gros mots: «En Corée du Nord, il y aurait longtemps qu'ils vous auraient envoyé dans un camp et que votre famille n'aurait pas entendu parler de vous depuis très, très longtemps...»

Ma réponse: «Amos Oz dit que les fanatiques manquent d'humour. Vous devriez lire Amos Oz.»

Je pensais à ces mots de l'écrivain israélien: «Je crois avoir trouvé un remède au fanatisme. Il s'agit du sens de l'humour.»

Il y a aussi L'écologie en bas de chez moi, un roman dont le titre est bien meilleur que l'histoire que raconte l'auteur, Iegor Gran. Extrait, où Gran réfléchit à la réaction horrifiée de ses amis verts quand il se moque de leur dévotion écologiste: «Votre rire est un crime car il empêche la mobilisation des consciences. Il dilue l'attention. Il peut contaminer les autres [...] Avez-vous pensé aux enfants?»

Pendant ce temps, M. Girard a rétorqué sans avoir lu Oz ni même Gran. Il m'a asséné un mot, un seul: «Épais!»

(Personnellement, j'aurais mis le point d'exclamation au compost avant d'appuyer sur SEND. En matière de points d'exclamation, je suis du bord de la simplicité volontaire. L'homme moderne surconsomme les points d'exclamation. À croire que Walmart vend des caisses de points d'exclamation à 97% de ceux qui écrivent sur Facebook, Twitter et aux chroniqueurs de La Presse.)

Et il y a Julie, qui m'a parlé de «l'urgence de protéger et respecter notre belle planète bleue», le genre de formule toute faite qui me fait espérer que cette dame pond des romans pour préadolescentes, sinon on se demande quelle est son excuse pour accoucher de cette forme révoltante de vandalisme épistolaire, vandalisme qui doit bien valoir 11 ans de goulag en Corée du Nord.

C'est finalement Nicolas Guérin, étudiant à la maîtrise en génie, qui m'a fait le plus mal avec ces mots: «La stratégie de la ville est la seule qui poussera réellement, avec un peu de chance, les gens à composter. Autrement, les gens ne le feront pas. Une stratégie de «chantage» est la façon dont la plupart des comportements souhaitables sont imposés aux gens...»

D'abord, M. Guérin, je vous félicite pour l'absence de points d'exclamation et de formules tirées de Passe-Partout. Et parce que vous avez raison: les gens ne changent pas sans la menace du bâton. Et ici, le bâton, c'est la collecte des sacs Glad qui passe à une journée par semaine dans RoPePa. Ce qui m'a forcé à commencer à garder mes déchets de table dans le petit bac prévu à cette fin.

Tenez, j'ai même une photo, prise hier soir, pour le prouver.

Bref, écologiquement parlant, j'arrive au XXIe siècle. Et je sais qu'un jour pas si lointain, nous penserons à cette époque où les villes ramassaient les déchets deux fois par semaine avec la même stupeur que lorsqu'on pense à l'époque où les gens fumaient dans la face de mononcle Albert, à l'hôpital, après son triple pontage.

Ah, j'oubliais: j'ai finalement fait la paix avec M. Girard, cité plus haut, quand il s'est excusé de m'avoir traité d'épais (!) et que j'eus précisé avoir délibérément exagéré mon côté obscurantiste de l'environnement dans cette chronique.

Bon, je dois vous laisser, j'écris cette chronique jeudi soir. Et le jeudi soir, généralement, je vais écraser des stands de BIXI avec mon Hummer avant d'aller manger du sushi de blanchon.

Miam.

SPOCK Samedi, parlant de Star Wars, j'ai évoqué le Dr Spock de Star Trek. C'est monsieur Spock, bien sûr. Le Dr Spock était un pédiatre américain du XXe siècle qui avait la vilaine habitude de mettre ses déchets de table dans le bac de recyclage, pour amuser ses petits-enfants.