Je demande au monsieur au bout du fil ce qu'il a pensé, depuis samedi, du désastre de relations publiques dans lequel marine Industries Lassonde, propriétaire des jus Oasis. Il n'y a aucune hargne quand il me répond: «Je me suis dit qu'à l'époque, je les avais trouvés vils et méchants. Ils voulaient écraser les autres. Je me disais que ça allait leur revenir sur le nez...»

Le monsieur, c'est Denis Bousquet. L'«époque», c'est 2003-2004, quand son entreprise, Laboratoires Bioasis, s'est frottée aux avocats des Industries Lassonde, pour avoir utilisé un mot du dictionnaire - oasis - qui désigne sa célèbre gamme de jus.

Bioasis vendait des produits nettoyants biodégradables. Savon pour les tuiles, savon à mains, détergent pour les vêtements. Toutes sortes de savons. Rien, mais absolument rien à voir avec des jus.

«Nous n'avions aucun désir de faire le lien avec le jus Oasis, se rappelle M. Bousquet. Ça n'avait aucun rapport. C'était un jeu de mots, vous comprenez? Bio, comme dans biodégradable. Puis, nous avons reçu cette lettre des avocats de Lassonde...»

Le géant du jus québécois, le même géant qui a tenté d'écraser Deborah Kudzman pour avoir osé utiliser «oasis» pour vendre ses savons, avait exigé de Bioasis qu'elle biffe «oasis» de sa raison sociale.

«Il fallait se défaire du nom de la société et faire refaire toutes les étiquettes, tout ce qui identifiait Bioasis, dit M. Bousquet. Car ils ne voulaient voir le mot oasis nulle part.»

Pour M. Bousquet, c'en était trop. Il avait déjà investi autour de 100 000$ dans cette aventure lancée par sa fille et un ami de celle-ci. Repenser l'identité même de Bioasis aurait exigé beaucoup d'argent: l'entreprise a fermé ses portes. L'entente à l'amiable mettait Bioasis à genoux.

«On a dû fermer nos portes à cause de ce litige», dit M. Bousquet.

J'espère que tout le monde voit le break dancing médiatique de Jean Gattuso, président d'Industries Lassonde, pour ce que c'est: une frénétique tentative de contrôle des dommages.

Depuis samedi, depuis que Christiane Desjardins a révélé dans La Presse l'histoire de Deborah Kudzman, honteusement «bulldozée» par Lassonde devant les tribunaux, les jus Oasis tentent de sauver leur réputation.

Mais il est aussi dur de croire aux explications de Jean Gattuso que de faire passer du lait au chocolat pour du jus d'ananas. Je m'explique.

Il connaissait la nature du litige avec Olivia's Oasis depuis 2005. Mais il n'a jamais tendu la main à Mme Kudzman avant que la twittosphère, scandalisée par l'article de La Presse, commence à jouer à la piñata avec la marque Oasis, samedi. Depuis, il parle de faire du mentorat avec Mme Kudzman!

J'ai interviewé le PDG, hier après-midi. Dès le début, M. Gattuso m'a interrompu pour me dire: «Dans le futur, on va procéder différemment...»

Quand je lui ai demandé comment Lassonde réagirait, aujourd'hui, en «découvrant» les savons Olivia's Oasis, il a commencé à débiter son baratin, comme il l'avait fait chez Paul Arcand dans la matinée: «Il y a eu plusieurs tentatives de règlement, mais malheu...»

J'ai dû interrompre le PDG de Lassonde, estimant qu'il ne répondait pas à ma question. Sa réponse, prise 2: «On essaierait d'être plus conscients des négociations (sic), on essaierait de comprendre plus les besoins de Mme Kudzman...»

Et quand j'ai demandé à Me Caroline Lemoine, vice-présidente aux Affaires juridiques de Lassonde, pourquoi Oasis était allée embêter Bioasis, fabricant de produits nettoyants, elle a eu cette réponse: «C'étaient des nettoyants faits pour des fruits et légumes.»

Rigoureusement inexact: Bioasis vendait en fait toutes sortes de savons, on l'a vu plus haut. Mais Lassonde a choisi de «bulldozer» cette PME-là, aussi. C'était avant Twitter...

Denis Bousquet convient qu'il aurait pu se battre en cour pour la survie de Bioasis: «Mais à quel coût! Face à une entreprise comme Lassonde, je n'en voyais pas le bout...»

D'Olivia's Oasis à Bioasis, c'est limpide: Lassonde se comporte comme un bully.

C'est quand même ironique: en voulant protéger la marque Oasis, Lassonde l'a entachée, elle qui était si sympathique aux yeux des Québécois. Depuis samedi, elle est sale comme une chemise blanche sur laquelle on aurait renversé du jus «Fusion de baies» (mon préféré de la gamme Oasis)...

Si j'étais actionnaire de Lassonde, j'aurais des questions pour les bullies qui dirigent la société.