Des débrayages illégaux. Des brutes qui menacent de casser la gueule à des camarades s'ils ne quittent pas le chantier. Des camarades qui reçoivent des claques sur la gueule, en résistant ! L'édifice de la Commission de la construction du Québec (CCQ) pris d'assaut. Des journalistes engueulés.

Et, en prime, la ministre du Travail, Lise Thériault, qui a reçu de belles menaces dignes de la mafia : on va te casser les deux jambes.

Bref, ce 24 octobre fut un jour noir pour le syndicalisme de la construction québécoise.

La cerise sur le sundae : les mensonges éhontés des chefs syndicaux. Ce mouvement d'humeur, ont-ils juré, était « spontané «...

Note de service pour vous, les boys : au moins, utilisez quelques dérivés de l'adjectif « spontané «. Son utilisation, de Baie-Comeau à Gatineau, illustrait cette journée pour ce qu'elle fut : chorégraphiée comme le ballet Casse-Noisette.

Non, ce n'était pas le saccage de la Baie-James, une autre affaire de placement syndical qui a dégénéré, gracieuseté de la FTQ, en mars 1974, sur le chantier de LG-2. Mais l'esprit était là : la loi du plus fort. Pas nécessairement la violence, mais la violence si nécessaire.

En après-midi, j'étais ébahi. Je voyais une maladresse dans la stratégie de la FTQ et du Conseil provincial. Cette journée de brutalité, quelle façon de se mettre à dos le public ! Puis, j'ai cliqué : ils s'en fichent, du public.

Ils ne parlent pas au public. Ils parlent à l'État. N'en ont rien à foutre des apparences. Pas besoin de Mirador, ici...

Au coeur du litige : une affaire, obscure pour le grand public, de placement syndical. Sur les grands chantiers, le rôle de la FTQ et du Conseil provincial - qui représentent 70% des ouvriers -, c'est de « placer « les salariés en fonction de leurs spécialités. Pour ces travailleurs, le syndicat, c'est un peu, beaucoup, leur boss.

Québec a décidé que les syndicats n'auraient plus le monopole du placement syndical. Une façon d'équilibrer le jeu entre les syndicats tous les syndicats, incluant la CSN, parent pauvre du secteur , les entrepreneurs et l'intérêt public. Un autre front du grand ménage du secteur de la construction. Dans le projet de loi 33, la CCQ, chapeauterait le placement.

Hier, Jean Cournoyer, ex-ministre du Travail de Robert Bourassa (version 1.0), véritable mémoire vivante de la politique contemporaine québécoise, me racontait être passé par le même psychodrame de la réforme du placement, il y a 40 ans. Réforme qui avait échoué.

« Le placement, c'est le gagne-pain d'un syndicat, dans la construction, dit M. Cournoyer, qui doute des chances de succès d'un placement centralisé à la CCQ. Si tu lui enlèves son gagne-pain, il va s'arranger pour le reprendre. «

Ce qui s'est passé hier, note Jean Cournoyer, est une « partie de pêche «, en jargon de syndicalisme de construction. « Aujourd'hui, ils ont fait un show, ils ont montré leurs muscles. «

Si Québec veut des discussions civilisées avec la FTQ et le Conseil québécois des métiers de la construction, il n'y a qu'une voie: appliquer avec zèle les dispositions du Code du travail dans les cas d'intimidation et de débrayages illégaux. Les amendes pour les organisations : 7000$ à 70 000$ par jour, par chantier. Pour les individus : 1000$ à 10 000$. Salé...

Hier, des travailleurs de la construction dégoûtés ont raconté, en détail, le modus operandi du mouvement « spontané « de colère. Ils ont vu qui a commandé quoi, comment, sur les chantiers, pour vider ceux-ci.

Espérons que ceux-ci auront le courage de dénoncer, de porter plainte. Espérons que la CCQ pourra accumuler assez de preuves pour frapper les brutes syndicales là où ça fait mal.

Pas sur la gueule, bien sûr.

Dans le portefeuille.

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Samedi, en énumérant certains de ces experts du milieu juridique dubitatifs devant le simulacre de commission d'enquête proposée à l'origine par Jean Charest, j'ai inclus les doyens des universités McGill et de Montréal. Bien des experts ont désavoué l'idée du PM mais MM. Daniel Jutras (McGill) et Gilles Trudeau (U. de Montréal) n'en faisaient pas partie. Bulle d'air au cerveau: je les ai confondus avec d'autres experts universitaires. Ils ont évidemment dû s'étouffer dans leur café matinal, samedi matin. Je leur présente ici mes excuses gênées, l'erreur de fait étant celle qui m'embarrasse le plus.