Préparez-vous à payer pour rouler. J'ai comme l'impression que le péage sur le futur pont Champlain va ouvrir la brèche qu'il manquait pour déverser un torrent de fric des «utilisateurs» sur les ponts et les routes de la région de Montréal.

Le péage a déjà existé, à grande échelle, sur les routes du Québec. Puis, en 1984, en fin de régime péquiste, le huitième budget de Jacques Parizeau l'a aboli. Il a fait un retour cette année, avec le pont privé de l'autoroute 25.

Le futur pont Champlain sera payant. C'est une des premières choses qui sont sorties de la bouche du ministre fédéral des Transports, Denis Lebel, hier, lors de sa conférence de presse: «L'objectif, c'est qu'il n'y ait pas, ou peu, de coûts pour le contribuable...»

Mais la table est mise. Le train a quitté la gare. Les carottes sont cuites. Pris à la gorge, les gouvernements vont adorer l'idée d'étendre le péage aux autres liens routiers - autoroutes et ponts - de la région la plus fréquentée du Québec, Montréal.

Déjà, hier, la mairesse de Longueuil, Caroline St-Hilaire, a soulevé l'injustice manifeste qui se posera quand un seul pont, Champlain, sera payant parmi ceux reliant Montréal aux banlieues du 450.

«Ça ne peut pas s'appliquer qu'aux gens de la Rive-Sud. Pour être équitable, il faudra mettre des péages partout. La réflexion va s'imposer. Si les gens décident de passer par le pont Jacques-Cartier pour éviter de payer sur Champlain, c'est mon réseau, à Longueuil, qui sera engorgé!»

Relisez cette déclaration: «Pour être équitable, il faudra mettre des péages partout.» Quand j'ai demandé à Mme St-Hilaire si elle visait aussi les ponts reliant Laval à Montréal, elle a opiné du bonnet.

Bien sûr, le ministre des Transports du Québec, Pierre Moreau, qui n'avait pas été invité à la conférence de presse de son homologue fédéral, a offert une molle critique du principe du péage, éventé dans le numéro de La Presse d'hier. M. Lebel a pulvérisé l'argument hypocrite avec ce missile Scud imparable: «Pourquoi ce serait bon pour le pont de la 25 [avalisé par Québec] et pas pour celui-ci [à 100% fédéral]?»

Ce qui est drôle, avec ces histoires d'«utilisateur-payeur» qui sortent de la bouche des élus, c'est qu'ils pensent que, comme par magie, l'utilisateur-payeur n'est pas la même personne que le contribuable...

MÊME NOM? - Portera-t-il le nom de pont Champlain, ce nouveau pont? Le ministre parlait d'un «nouveau pont», idem dans le communiqué de presse. On n'évoque pas un «nouveau pont Champlain».

J'ai posé la question à l'attaché de presse de M. Lebel, hier, par courriel. J'attends encore la réponse.

Je ne veux pas tomber dans la paranoïa. Mais avec le récent et bizarre fétiche du gouvernement conservateur pour tout ce qui touche la monarchie britannique, j'ai comme une petite peur au ventre...

«Sur le pont Élisabeth II, Paul, tout va bien, rien à signaler, circulation fluide...»

Je mourrais, je crois.

LE CHARISME - Probablement que Denis Lebel est un ministre d'une compétence rare, au leadership tranquille derrière des portes closes. Mais le député de Roberval-Lac-Saint-Jean affiche en public un déficit de charisme qui a l'effet de donner un magnétisme animal à ceux qui partagent une tribune avec lui...

Ainsi, quand le maire Gérald Tremblay a pris la parole, après le ministre des Transports, on aurait dit que Barack Obama venait de monter sur scène.

LA MAFIA - Lus sur le site du Globe and Mail, des dizaines de commentaires d'internautes sur la construction du nouveau pont faisant référence au bonheur de la mafia made in Quebec, en apprenant cette nouvelle.

C'est aussi ça, le laxisme devant la corruption et l'influence du crime organisé dans une société: on passe pour des tatas aux yeux des voisins.