Je n'allais pas revenir sur le mystère entourant le cancer de Jack Layton. Déjà que la semaine dernière, vu le caractère délicat du sujet, je me suis auto-tapé sur les nerfs en traitant l'affaire avec toute la délicatesse réservée à la nitroglycérine: avec des gants et des pincettes...

Sauf qu'Olivia Chow, la veuve de M. Layton, elle-même députée du NPD, en pleine tournée médiatique, pousse un cran plus loin le flou artistique qui règne au NPD au sujet de la nature réelle du mal qui a tué le chef de l'opposition.

Un cran trop loin.

Mme Chow, en entrevue à la CBC, a refusé encore une fois de dire quel type de cancer a tué son mari. C'était, dit-elle, dans les dernières volontés de Jack Layton. Fort bien. Mais Mme Chow pousse le bouchon de l'infantilisation des masses un peu trop loin à mon goût quand elle dit que révéler le cancer qui a tué M. Layton pourrait décourager les Canadiens atteints du même mal...

C'est une grosse couleuvre que Mme Chow nous sert là.

En quoi le sort de M. Layton peut-il jouer un si grand rôle dans la vie d'un Canadien à qui l'on apprend qu'il souffre du cancer qui a emporté «Jack» ? Je l'ignore, et Mme Chow ne nous éclaire pas. Ma collègue Malorie Beauchemin a interviewé Mme Chow pour La Presse: même mutisme.

Ce flou artistique, ces cachotteries du NPD depuis la mort de M. Layton m'irritent souverainement. Quand on n'a rien à cacher, on dit les choses sans ambages. Quand on a quelque chose à cacher, on finasse, on joue sur les mots: exactement ce que font le NPD et Mme Chow, en misant justement sur le caractère délicat du sujet, sur la sympathie du public pour M. Layton, pour éluder les questions.

Jack Layton a commencé la campagne électorale du printemps dernier en s'appuyant sur une canne. Motif: fracture de la hanche. Comment un homme de 61 ans, par ailleurs en bonne forme physique, s'est-il fracturé la hanche?

On ne sait pas. Le NPD, et Mme Chow, refusent - encore aujourd'hui - de le dire.

Ce qu'on sait, c'est que Jack Layton se remettait d'un cancer de la prostate au moment du scrutin qui a fait de lui, contre toute attente, le chef de l'opposition. Ce que tous les oncologues vont vous dire, aussi, c'est qu'un cancer de la prostate qui se répand a tendance à s'attaquer aux os.

Ce que ces mêmes oncologues vont vous dire, bien sûr sans présumer du cas particulier de M. Layton, c'est qu'il n'est absolument pas rare de voir un cancer qui se répand dans les os causer des fractures pathologiques. C'est-à-dire des fractures qui ne sont pas causées par un choc.

Vous me suivez?

Il ne faut pas être diplômé en cancérologie pour penser que cette fracture de la hanche de M. Layton, avant le déclenchement des élections, était le fait d'un cancer des os secondaire à un cancer de la prostate.

Il n'est pas du domaine de la science-fiction de penser que M. Layton s'est présenté devant les Canadiens en sachant que le crabe rongeait ses os. Ça le regarde. J'estime que nous avions le droit de le savoir. Ça aurait changé le vote de milliers de gens, c'est évident. Et c'est quelqu'un qui a voté NPD qui vous le dit.

J'estime aussi que le flou artistique est entretenu par le NPD et Mme Chow pour des motifs politiques. Si Jack Layton se savait atteint d'un cancer des os, un cancer qui ne pardonne pas, et qu'il l'a caché aux électeurs, disons que ça balancerait un paralume de 10 tonnes dans la trame narrative héroïque que le parti nous pousse dans la gorge depuis l'été dernier.

Oui, Jack Layton était un homme d'exception. Oui, il a fait preuve de courage dans l'adversité. Mais cela n'a aucun rapport avec l'enjeu qui nous occupe, qui est celui de la transparence et de la vérité.

Avec ses résultats du 2 mai, le NPD est désormais un acteur majeur. Il aspire à diriger le pays en promettant faire de la politique «autrement». Je m'excuse, mais les faux-fuyants du NPD au sujet de la santé de son chef avant et pendant la campagne, ce n'est que de la vieille politique as usual.