Il est de bon ton dans certains cercles d'afficher du cynisme face au couple Céline Dion-René Angélil. Ça tient à quoi? Un peu de tout, j'imagine: le succès populaire, la richesse immense qui vient avec, le créneau musical occupé par Mme Dion, à l'opposé d'un Arcade Fire bien branché...

N'empêche. René Angélil est mon héros de la semaine.

On a annoncé cette semaine la création de la chaire de recherche en oncologie ORL Dr Azar-Angélil, au CHUM. ORL, comme dans oto-rhino-laryngologie: tous les cancers «tête et cou». Azar, comme dans Dr Antoine Azar, ami de M. Angélil, pilier du département d'ORL du CHUM, décédé l'an dernier.

Pour la visibilité des cancers ORL, il s'agit d'un bond extraordinaire. Au pays des levées de fonds pour la recherche en cancer, ceux touchant «tête et cou», comme on dit dans le jargon, traînent la patte. Le nom «Angélil» va attirer de la visibilité et des sous pour la recherche.

Ce n'est pas un luxe, m'a expliqué le Dr Denis Soulières, hémato-oncologue au CHUM. «Les traitements se sont raffinés depuis 15 ans, mais ils n'ont pas connu les grands pas des traitements du cancer du sein, de la prostate, du côlon. On en a moins appris sur les cancers ORL depuis 15 ans que sur d'autres cancers.»

À quoi ça sert, une chaire de recherche? Dans le grand ordre des choses, à faire avancer la connaissance. Dans le détail, à lancer de petits projets de recherche dont les résultats peuvent attirer les grands organismes subventionnaires à financer des projets prometteurs, du genre qui débouchent sur de nouveaux traitements.

«On appelle ça du seed money, c'est comme semer de petites graines. Une chaire permet d'investir facilement de petits montants, rapidement», dit le Dr Soulières.

La chaire permettra aussi à son titulaire, le Dr Apostoulos Christopoulos, une star de l'oncologie ORL, de se consacrer à la recherche. Des médecins en ORL du CHUM se sont cotisés, ces dernières années, pour que le Dr Christopoulos, alors en stage dans un hôpital de Pittsburgh, puisse poursuivre ses recherches. Avec leur propre fric!

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Au bout du fil, René Angélil raconte son cancer de la gorge, en 1999. Il me dit, lui qui est un bagarreur en affaires, un truc surprenant: «Je ne dis jamais que j'ai vaincu le cancer. On y survit. Je pense au cancer à chaque grippe, quand j'ai mal à la gorge. On ne gagne pas contre le cancer, ce n'est pas un championnat».

C'est son amie, l'animatrice et productrice Julie Snyder, qui l'a mis en contact avec les ORL du CHUM, qui voulaient mettre sur pied une chaire de recherche. Il était prêt à faire un chèque. Mais son nom à côté de celui du Dr Azar? Pas sûr! «Mais les médecins m'ont expliqué que mon nom attirerait de la visibilité, que cette visibilité attirerait des dons. C'est pour ça que j'ai dit oui, finalement.»

Dans l'univers du financement de la recherche, la visibilité d'une vedette comme René Angélil est capitale, me dit l'oncologue Soulières. «Les gens sont plus enclins à donner quand quelqu'un comme lui s'associe à une telle chaire.»

En effet: les pharmacies Jean Coutu, la Fondation du CHUM et Quebecor ont annoncé des dons importants, mardi, lors du lancement, émouvant, de la chaire Azar-Angélil dans les locaux de Quebecor. Plus d'un million dorment déjà dans les coffres de la chaire.

Le Québec est à des années-lumière de l'Ontario, dans le rayon des chaires de recherche en oncologie. À Toronto, le Princess Margaret Hospital en compte 25, toutes dotées d'un fond minimal de trois millions de dollars. À Montréal, le CHUM en compte... trois.

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Je ne vous ai pas encore dit pourquoi René Angélil est mon héros de la semaine.

Primo, je tiens de bonne source qu'il ne voulait pas que son nom trône en haut de la marquise de la chaire. Il s'est vraiment fait tirer l'oreille. Les médecins ont dû le convaincre que le nom «Angélil» aurait des retombées bénéfiques. J'aime cette réticence.

Deuzio, René Angélil et son épouse ont fait un chèque à la chaire qui porte son nom et celui de son ami Azar. Mais le montant n'a pas été dévoilé. Et c'est voulu. «On a fait une grosse contribution. Mais l'idée, ce n'est pas de se faire de la publicité. Le kick, c'est de donner le chèque aux gens qui s'occupent de la cause.»

C'est pour ça que René Angélil est mon héros de la semaine: j'aime quand un individu généreux donne en se fichant qu'on sache à quel point sa contribution est imposante.