Mascouche s'est gagné une réputation de minirépublique de bananes l'automne dernier, quand l'équipe d'Enquête, à Radio-Canada, a largué un missile Scud dans la mare municipale, avec des révélations troublantes sur les relations entre le maire Richard Marcotte, au pouvoir depuis deux décennies, et un des plus gros entrepreneurs locaux, Normand Trudel.

Il était question, dans le topo d'Émilie Dubreuil, de travaux exécutés par l'entreprise de M. Trudel chez le maire. De condos vendus à M. Marcotte à prix d'ami, revendus à prix d'or. De ristournes payées au parti du maire par les fournisseurs décrochant des contrats municipaux.

Puis, La Presse a révélé que Mascouche avait accordé un contrat de déneigement pour les bornes-fontaines de son territoire: 650$ la pièce, un prix nettement plus élevé que celui payé par d'autres municipalités. Le bénéficiaire du contrat: une entreprise de M. Trudel...

Ces bornes-fontaines à 650 $ sont devenues de l'engrais pour l'inspiration des caricaturistes et le symbole qu'à Mascouche, quelques bornes ont peut-être été dépassées...

«Aujourd'hui, les gens ont un sentiment de honte face à leur ville, constate Luc Thériault, ancien député péquiste du coin. Quand on dit qu'on habite Mascouche, on se fait tirer la pipe.»

Le rédacteur en chef du Trait d'Union, Michel Dumais, confirme: «Mascouche est devenue un symbole de tous ces problèmes, dans les municipalités. Les gens ont hâte que ça cesse.»

Le maire Marcotte, largué par les conseillers de son parti, s'est effacé pendant trois mois. L'escouade Marteau a débarqué pour enquêter, le ministère des Affaires municipales aussi. Et les Mascouchois, eux, n'eût été la présence des flics, auraient transformé certaines réunions du conseil municipal en tournoi de lutte gréco-romaine...

Les histoires troublantes ont continué à s'accumuler. On a su que l'arrivée d'une gare de l'AMT a valu aux propriétaires d'un terrain un profit généreux. Le directeur général a démissionné dans des circonstances étranges. La semaine passée, un policier a envoyé une mise en demeure à Richard Marcotte pour non-renouvellement de son contrat de cadre, menaçant de le poursuivre pour 300 000$...

Puis, ce matin, Francis Vailles, de l'équipe d'enquête de La Presse, révèle que deux Mascouchois, des policiers faisant des affaires immobilières à Mascouche, sont soupçonnés d'avoir versé un pot-de-vin au maire Marcotte. Le maire aurait confirmé l'affaire aux flics.

«Je veux bien vous parler, si c'est un papier positif que vous préparez», m'a prévenu d'emblée Vicky Marchand, directrice de la Chambre de commerce de Mascouche.

Je lui ai dit que, non, la chronique n'était pas exactement positive pour Mascouche mais que, bon, peut-être que Mme Marchand pourrait y injecter une ou deux cuillerées de positivisme? Elle a dit oui...

D'abord, vous dire que Mme Marchand est à peu près certaine que les enquêtes de l'escouade Marteau vont faire patate. Elle se désole de ce climat «négatif» qui plombe Mascouche, «une ville qui m'inspire», me dit-elle, peut-être en hommage à «Mascouche m'enchante», le slogan de la Ville...

Les médias ont beau pêcher des scandales à Mascouche avec la facilité du consanguin qui pêche à la dynamite, ça ne trouble pas la présidente de la Chambre de commerce.

«Il y a beaucoup de faussetés dans ce que j'ai lu dans les médias. Je ne me fie pas à ça. J'attends le résultat des enquêtes. Vous savez, beaucoup de ces histoires viennent de l'opposition...»

Jacques Tremblay, conseiller municipal de l'opposition -et père de l'ancien conseiller et actuel député péquiste Guillaume Tremblay-, ne comprend pas pourquoi le maire Marcotte ne démissionne pas.

«Quel intérêt a-t-il à se faire écoeurer, à craindre de se retrouver devant les citoyens, à devoir se présenter au conseil avec la protection de la police?»

Luc Thériault, lui, ne voit qu'une explication au fait que M. Marcotte reste en poste malgré les enquêtes criminelles et administrative qui minent sa crédibilité: «C'est de l'entêtement».

L'ex-député, avec d'autres citoyens écoeurés, a fait circuler une pétition exigeant la démission de Richard Marcotte, le printemps dernier. «Les gens ont signé avec enthousiasme, et le mot est faible», selon Luc Thériault. Nombre de signatures: 6000!

Grande ambassadrice du positivisme, Vicky Marchand n'a pas apprécié que cette pétition circule. Elle l'a dit à M. Thériault, en pleine face. «Oui, ils disent qu'il y a eu 6000 noms. Sur 42 000 personnes! Et combien de personnes ont signé deux fois? Ça, on ne le sait pas! Et est-ce que ça fait grandir la ville, une pétition contre son maire?»

Je ne sais pas, Madame la directrice de la Chambre de commerce. Est-ce que ça fait grandir une ville, une pétition contre un maire?

«Non, pas du tout», m'a-t-elle assuré, d'un air pas tellement enchanté.