Oubliez l'iPad d'Apple: LE mot le plus hot de la semaine, technologiquement parlant, c'est WikiLeaks. En dévoilant au monde une bande vidéo documentant un carnage de l'armée américaine en Irak, en 2007, le site qui se spécialise dans la révélation de secrets a trouvé son scandale du Watergate.

Vous avez vu les images? C'est à donner la nausée. Un hélicoptère Apache, formidable machine de guerre, mitraille des civils, au sol. Un autre hélico filme la séquence. Les images donnent la nausée et les commentaires des soldats font vomir.

Ils se réjouissent de la mort qu'ils sèment sur ces types. Ils rient.

Quand ils apprennent que des enfants ont été blessés, dans un camion ciblé par les canons de 30 mm de l'Apache, on entend un soldat y aller d'un peu de philosophie morbide: «Ils n'auraient pas dû traîner des enfants à la guerre.»

Malaise.

Sauf que...

Sauf qu'on sait, nous, que ces civils sont des civils. Et pas des insurgés. On sait que ces hommes ciblés sont, entre autres, des journalistes de Reuters, dont un «armé» d'une caméra de télévision. Et pas d'un AK-47 ou d'un lance-grenades.

Je ne dis pas que ce ne sont pas des salopards. Je dis qu'on va, encore, faire le procès des petits poissons. Comme pour les salopards d'Abou Ghraib: les petits soldats de plomb qui ont torturé des détenus irakiens ont payé. Pas leurs chefs.

Il y aura peut-être, pour les soldats de ces Apache, comparution devant une cour martiale. Peut-être même une condamnation.

Mais on oublie, encore, le scandale, le vrai, qui ne fait même pas l'objet d'un cover-up. Je parle évidemment de l'invasion de l'Irak.

Les vrais salopards qui ont organisé l'invasion de l'Irak, eux, ne seront jamais inquiétés. Ils ne seront jamais traités comme des criminels de guerre. Vous savez qui ils sont.

Ils s'appellent Bush, Cheney, Perle, Rumsfeld, Powell, Tenet, Rice et tous ceux qui nous ont fait avaler des couleuvres en forme d'armes de destruction massive pour nous convaincre qu'il fallait envahir l'Irak.

Leur procès, à eux, c'est quand, déjà?

PARLANT DE VÉRITÉ Le documentaire est magistral: The Most Dangerous Man in America: Daniel Ellsberg and the Pentagon Papers, de Judith Ehrlich et Rick Goldsmith. Il relate l'histoire de Daniel Ellsberg, ex-marine, analyste de la Rand Corporation, conseiller du Pentagone pour le Vietnam, qui révéla en 1971 que le gouvernement américain mentait effrontément à ses citoyens à propos de la guerre là-bas.

Ellsberg croyait à la guerre. Il croyait le petit catéchisme de l'époque: perdre le Vietnam, c'était permettre au communisme de s'étendre. Ellsberg conseillait directement le secrétaire à la Défense, Robert McNamara.

Puis, un jour, Ellsberg a perdu la foi. Fort de ses observations sur le terrain, et de son accès aux dossiers secrets du Pentagone, il a vu l'évidence: impossible de gagner le Vietnam.

Le pire? Ses patrons savaient cela. Mais ils mentaient aux Américains en promettant une victoire toute proche. Ils sacrifiaient des soldats américains et massacraient des Vietnamiens pour éviter de perdre la face en Indochine.

Un jour, Ellsberg a perdu patience devant la duplicité de ses chefs politiques. On pourrait dire qu'il a surtout perdu la guerre qu'il menait à sa conscience.

Il a donc coulé au New York Times les Pentagon Papers, 7000 pages de documents relatant l'histoire de la participation américaine au Vietnam. Pas la version Disney. La version XXX: les prétextes, les mensonges, le réel état des lieux sur le terrain.

C'est ce qui a valu à Ellsberg d'être accusé par Nixon lui-même d'avoir «donné aide et réconfort à l'ennemi», les mots de la Constitution américaine qui définissent la trahison.

C'est en 1971 qu'Ellsberg a démasqué ses chefs politiques.

En 1972, pour le remercier, les Américains ont réélu Richard Nixon par une des plus grandes marges de l'histoire des présidentielles.

La vérité? Oui, mais pas trop.

Pour joindre notre chroniqueur: plagace@lapresse.ca