Pauvre Erick Williamson. Cet Américain vient d'être reconnu coupable de grossière indécence, en Virginie.

Son crime: avoir bu son café matinal nu dans sa propre cuisine. Mais voilà: Williamson était visible de la rue.

Une mère de famille qui marchait avec son fils de 7 ans a donc vu Williamson boire son café matinal. La chose (je ne parle pas du café) a troublé cette dame. Évidemment, elle a appelé le 911. Évidemment, la police a débarqué.

Et la police, dans Fairfax County, ne branle pas dans le manche quand il est question de mères de famille qui aperçoivent des hommes nus à travers les fenêtres de leur propre résidence: Williamson a été arrêté. Et accusé de grossière indécence.

Ah, j'oubliais. Williamson n'était pas entièrement nu. Il portait un casque de construction.

Toujours est-il que Williamson a été déclaré coupable récemment. Il a été libéré, remarquez, sans peine de prison ou amende. La Virginie n'est pas, après tout, l'Afghanistan. Ou le Texas. Au Texas, c'était la chaise électrique, c'est sûr, pour ce genre de délit que Jésus n'apprécie pas, mais alors là vraiment pas.

Jésus, Texas, le rapport?

Jésus, sachez-le, est blanc, américain et texan. Êtes-vous déjà allé au Texas? Moi, oui. Un reportage en lien avec Jésus, justement. Et au Texas, on ne badine pas avec la loi, l'ordre, la morale et le code vestimentaire idéal pour la dégustation du café dans le confort de son propre foyer.

Pour rester dans la même veine - celle de la nudité -, parlons de Catherine Pogonat.

L'animatrice de Mange ta ville à ARTV a posé nue pour le calendrier de la station. Personne n'a songé à appeler le 911. Il y a à peine eu le début de l'ombre de la queue d'une controverse.

Ah, j'oubliais: miss Pogonat n'est pas entièrement nue. Elle porte un chapeau de fourrure...

Je suis tombé sur la photo de Catherine tout à fait par hasard, en tapant les mots «pogonat calendrier nue» dans Google. Très belle photo, rien à redire. C'est juste que...

C'est juste que je trouve l'animatrice plutôt jolie, mais cette photo a mis à mort tout ce que je pouvais imaginer à son sujet. Il n'y a plus rien à imaginer. Et avec les filles, justement, les trois quarts du plaisir, pour ne pas dire du désir, c'est ça: imaginer. Pour le reste, il y a l'internet haute vitesse...

Ce qui nous amène à M. Carl Duplessis, artiste de son état. M. Duplessis m'écrit, fort fâché. «La censure, dit-il, est toujours vivante à Verdun. Je le sais: j'ai été censuré.»

L'histoire: l'arrondissement de Verdun invite des artistes à présenter leur portfolio en vue d'une exposition au centre communautaire Elgar. M. Duplessis envoie ses oeuvres, des portraits et des nus. Il est sélectionné. On exposera ses oeuvres en janvier.

Ici, les versions diffèrent. M. Duplessis dit qu'on lui a signifié très tard dans le processus, après la signature de son contrat, qu'on allait y aller mollo avec les nus. Nancy Raymond, chef du service culturel de l'arrondissement, elle, dit que M. Duplessis a été averti assez tôt dans le processus.

Qu'importe. Des nus ont été sélectionnés parmi les 15 oeuvres qui seront exposées. Un nu figure même sur le carton d'invitation. Mais M. Duplessis s'est fait dire par l'arrondissement qu'il fallait larguer les nus.

Mme Raymond: «Ses dessins sont très beaux. S'il s'agissait de ma galerie, je les exposerais. Mais le centre communautaire est attenant à une école. Et le hall où on expose les oeuvres est un passage obligé des écoliers vers la bibliothèque et le service de garde.»

M. Duplessis: «Les enfants sont exposés quotidiennement, par la télévision, à des meurtres, à de la violence envers d'autres humains, et c'est autrement plus dangereux pour eux que de voir quelques fesses et quelques seins, qu'ils ont probablement déjà vus lorsque leurs parents se déplacent, nus, entre la salle de bains et leur chambre à coucher...»

Bon.

Je dois être fatigué, en cette fin d'année, mais dans ce cas-là, je ne vois pas le scandale. J'ai même appelé Frédéric Metz, ancien prof de design à l'UQAM, pour qu'il me crinque un peu. Metz est expert en controverse, en art et en nudité: il a posé à poil (sans chapeau) sur son site web, il y a quelques années, ce qui a provoqué une petite controverse tout à fait saine pour son image de rebelle des arts visuels.

Y a un scandale, Frédéric?

«Eh bien, j'ai regardé les dessins. Ce n'est ni original ni pornographique. Refuser de les montrer? Alors, il ne faut plus traîner ses enfants au Louvre! Tu es trop jeune pour t'en souvenir, mais ça me fait penser aux bonnes soeurs qui voulaient, à l'Expo 67, que le pavillon de la Grèce couvre des statues grecques...»

Reste que même Metz n'a pas réussi à me fouetter (ne te fais pas d'idées, là, Frédéric !). Je suis du bord de Mme Raymond, au final.

Ça n'a rien à voir avec la censure, la nudité ou le Texan qui sommeille en moi. Tout à voir avec... les médias.

Parce que si M. Mongrain ou Mme Bombardier débarquent en hurlant qu'on pervertit la belle jeunesse de l'Île-des-Soeurs par nus interposés, en cette époque dénuée de compas moral, n'est-ce pas, eh bien, c'est Mme Raymond qui va manger le sandwich de m... servi par ses maîtres politiques.

Pas l'artiste.

Il n'y aura pas de controverse, j'en ai bien peur, M. Duplessis.

Vous pouvez toujours poser nu. Parfois, ça marche, pour la controverse. Pas toujours, mais parfois. Surtout, n'oubliez pas le chapeau.