Pauvres soldats canadiens.

Il y a un mois, le premier ministre Harper déclarait que cette guerre menée contre les talibans était impossible à gagner.

Puis, hier, en provenance d'Afghanistan, cette perle: le gouvernement Karzaï veut permettre aux hommes afghans de la minorité des Hazaras (chiites) de violer leurs épouses.

 

Ou, soyons précis, refuser aux Hazaras le droit de refuser de baiser avec leurs maris...

Oui, pauvres soldats canadiens.

On les envoie là-bas, dans un environnement hostile. Ils se font tirer dessus par les talibans. Les talibans les font sauter avec des bombes déclenchées à distance. Pas grave, ils font le travail. Bravement, même.

Pourquoi?

On leur dit, aux soldats, qu'ils sont là pour défendre la démocratie. Pour empêcher les talibans de déloger le régime actuel. Pour envoyer-les-petites-filles-à-l'école. Bref, on leur dit ce qu'on nous dit à nous, civils.

Puis, un jour, le premier ministre du pays qu'ils représentent dit que cette guerre ne peut pas être gagnée. Il n'ose pas le dire à la Chambre des communes, remarquez. Mais il le dit à CNN.

Au moins, il le dit. Et il dit ce qui se dit ailleurs depuis des mois, notamment dans l'armée britannique.

Puis, un autre jour, vous apprenez que ces petites filles afghanes à qui votre engagement permet d'aller à l'école, eh bien! si elles sont chiites, elles pourront légalement se faire violer par leurs tendres époux, quand elles seront grandes.

Pourquoi cette loi?

Parce que le régime Karzaï a besoin de l'appui électoral de cette minorité chiite, en vue du scrutin qui approche.

Parlant du régime plutôt pro-Allah d'Hamid Karzaï, permettez un petit suivi d'une vieille chronique. Vous vous souvenez de Sayed Pervez Kambaksh?

C'est un jeune étudiant en journalisme afghan. Il a été condamné à mort par un tribunal fantoche.

Son crime: avoir supposément distribué du matériel contredisant le Coran.

L'affaire, il y a un an, a ému bien des gens, en Occident. Des pétitions ont été signées. Des éditoriaux ont dénoncé. Des ambassadeurs ont protesté.

Tout cela semble avoir eu un effet: un tribunal d'appel, plus clément, a annulé la condamnation à mort.

Chanceux, Sayed va plutôt passer 20 ans en prison pour avoir «offensé l'islam». Le tribunal était composé de trois mollahs.

Donc, comme soldat canadien, en Afghanistan, vous vous retrouvez à braver les tirs de Kalachnikov et les bombes artisanales.

Qui tire ces balles et qui fait exploser ces bombes? Les talibans. Des fêlés qui prennent le Coran au pied de la lettre.

Et, en tant que soldat canadien, vous défendez qui?

Vous défendez un régime qui avalise des lois permettant à certains Afghans de violer leurs épouses. Un régime qui cautionne des tribunaux sortis tout droit du Moyen-Âge, qui envoie des journalistes en prison pour avoir «offensé» l'islam.

Donc, si je résume...

Le soldat canadien se fait cibler par des islamistes purs et durs.

Et il défend des islamistes light.

C'est comme avoir le choix entre le cancer et le choléra, finalement.

Il y a de quoi devenir parano ou schizo.

Le journalisme citoyen

Deux fois, ces dernières semaines, je me suis frotté à des journalistes citoyens. Des gars qui animent des blogues. Qui vivent la grande aventure de l'opinion dans la blogosphère du XXIe siècle. Qui vivent leur rêve d'être éditorialiste ou chroniqueur.

Cas numéro un: je l'ai cité dans une chronique avant de le contredire. Rien de méchant.

Cas numéro deux: je l'ai cité sur mon blogue, avant de le mordre (au sens figuré, bien sûr). Un peu méchamment.

Comme je disais, ces gars-là vivent la grande aventure de l'opinion. Et je suis dans leur collimateur, pour un tas de raisons.

Le cas numéro un voit des méchants gauchistes partout. Et dit que j'en suis.

Le cas numéro deux voit des complots. Et croit que j'en fais partie.

Donc, ils m'ont mordu, je les ai mordus. Ce n'est pas toujours élégant, mais c'est le grand cercle de la vie dans cette steppe sauvage qu'est le commentariat numérique. Ça devrait s'arrêter là, normalement.

Sauf que ça n'arrête pas là. Je rapporte la suite des événements parce que ce n'est pas la première fois que je me frotte à des journalistes citoyens qui tombent des nues, qui frôlent (attention, hyperbole devant) la dépression (fin de l'hyperbole) quand on leur sert une cuillère de leur propre médecine.

Le cas numéro un, dans deux courriels, a sous-entendu qu'il pourrait saisir le Conseil de presse de mes paroles. Rien de moins.

Le second, lui, a fait quelque chose de consternant. Il a appelé mon boss. Là, c'est moi qui tombe des nues. Surtout que le gars, je ne le nommais pas!

Enfin, heureusement que ma mère est morte. Je crois qu'il l'aurait appelée, elle aussi.

Note de service aux fleurons du journalisme citoyen, donc: quand on donne des coups, il faut savoir en recevoir. Sans pleurnicher. Comme un grand.

Sinon on se trouve un autre hobby, comme ériger des tours Eiffel en bâtons de popsicle. Ou le scrapbooking, il paraît que c'est très valorisant, le scrapbooking.