Désorganisation, indécision, manque d'effectifs et d'équipement: ce rapport de la CSST, qui décortique la soirée d'émeute où une policière a été atteinte par balle à Montréal-Nord, est lapidaire pour le Service de police de la Ville de Montréal.

C'était le 10 août dernier, en soirée. L'émeute de Montréal-Nord battait son plein, au lendemain de la mort de Fredy Villanueva, atteint par les balles d'un policier. Les voitures personnelles de pompiers du quartier flambaient.

 

À 22h49, une policière est atteinte d'une balle, rue Pascal. Le tireur n'est pas identifié.

Pour le commun des mortels, cette blessure relève des aléas du métier de flic. Pour la CSST, cette blessure est le symptôme d'une «perte de contrôle due à une mauvaise planification de l'opération».

Ce qui frappe, surtout, c'est le manque d'effectifs. La CSST note que la manifestation du dimanche après-midi a dégénéré en événement hostile entre 17h et 19h. Sauf qu'à 19h, il n'y a toujours qu'une douzaine de policiers sur place.

Ce n'est qu'à 22h que les renforts arrivent: 80 policiers sont alors sur place. Les projectiles fusent depuis longtemps; les incendies sont allumés depuis une mèche; les pompiers n'éteignent plus les feux, retranchés dans leur caserne, à cause des menaces.

Ce qui frappe, aussi, c'est que cette manifestation qui a dégénéré en émeute n'ait été encadrée que par une poignée de policiers, jusqu'en soirée.

Pourtant, un jeune homme, la veille, avait succombé aux balles d'un agent. Au coeur d'un quartier où les relations entre la population et la police sont tendues. Il ne fallait pas être Jack Bauer pour deviner, dès l'après-midi du 10 août, que ça allait brasser.

Au fond, le scénario du 10 août 2008 ressemble à s'y méprendre à celui du 21 avril 2008. Ce soir-là, le CH éliminait les Bruins. Les patrons de presse avaient senti l'air du temps et prévu des renforts journalistiques pour couvrir une soirée de victoire qui s'annonçait mouvementée.

Mais pas ceux du SPVM! Ce soir de printemps, les fêtards ont pu casser pas mal longtemps avant que la police ne fasse sentir sa présence en masse. Le mal était fait, quand les flics ont débarqué.

Chez les flics, chez les «bleus», les agents de la base, l'explication est simple. Les chefs du SPVM veulent limiter au maximum le paiement d'heures supplémentaires. Donc, on évite d'appeler les renforts à l'avance.

C'est peut-être une partie de l'équation. Mais il y a des trucs que le fric n'achète pas. L'organisation, le leadership, par exemple.

Anecdote, qui circule chez les policiers déployés à Montréal-Nord, en ce soir brûlant du 10 août: jusqu'à 23h environ, pas moyen d'avoir des bouteilles d'eau pour les agents déployés dans le quartier, en tenue de combat, suant et assoiffés...

Il a fallu qu'un policier, de son propre chef, réquisitionne toutes les bouteilles d'eau d'un dépanneur du coin, pour approvisionner ses camarades.

Le camion de ravitaillement «officiel» du SPVM est arrivé, lui, vers 2h du matin.

Vous ne trouverez pas l'anecdote dans le rapport de la CSST. Mais elle ne détonnerait pas, pas du tout, dans une annexe. Elle est symptomatique de ce 10 août 2008.