Êtes-vous resté pris dans un charmant bouchon de circulation causé par la charmante tempête de neige de mardi? Êtes-vous arrivé à la maison juste avant le Téléjournal? Avez-vous failli faire un dégât dans vos pantalons, coincé dans le bus?

Sacrez-vous encore?

Je sais, je sais. Notre sport national, c'est «bitcher» contre l'hiver.

Tiens, j'y vais: j'ai été pris 40 minutes sur Rachel, mardi soir. Ça n'avançait pas, tout simplement. J'ai fini par larguer mon auto dans un banc de neige naissant, rue Marquette, pour rentrer à pied.

 

Si je compare à d'autres récits d'horreurs entendus hier, je suis chanceux...

Hier, Marcel Tremblay, (le frère du maire) et directeur de l'unité de la propreté et du déneigement à la Ville de Montréal, était sur toutes les tribunes pour dire qu'il a neigé plus que prévu, mardi. C'est aussi ce qu'il m'a dit.

Et c'est vrai: j'ai parlé aux deux météorologues qui ont conseillé la Ville, mardi. Il s'agit d'André Cantin, d'Environnement Canada et de Rabbah Hammouche, directeur général d'Enviromet International, une firme privée qui offre des prévisions météorologiques spécialisées.

Verdict de MM. Cantin et Hammouche, hier, à 14h, en conférence téléphonique avec la Ville de Montréal, pour gérer l'opération déneigement: 5 à 10 centimètres de neige pour la journée. Puis, en fin de journée, la neige va se transformer en pluie.

Ce n'est évidemment pas ce qui s'est passé. Il a neigé, neigé et neigé, pour un total de 25 centimètres de neige. Et un joyeux bordel sur les routes.

MM. Cantin et Hammouche ont fait la même interprétation, chacun de leur bord, des données du Service météorologique canadien. Ils ont soumis ces données aux modèles mathématiques qui accouchent de prévisions météo. Chacun de leur bord, ils étaient formels: rien de dramatique, ça va se réchauffer, ça va virer en pluie et il va faire très chaud, mercredi: 8 ou 9 degrés. Il a fait -3!

André Cantin: «S'il y aura des congédiements, après cette erreur? On fait tous des erreurs, dit-il en riant. Et la météo est une science inexacte.»

Rabbah Hammouche, plus contrit: «En 20 ans, de mémoire, c'est la première fois, peut-être la deuxième, que je me goure comme ça...»

Donc, qu'il soit dit que deux météorologues hautement entraînés, deux hommes de science appuyés par ce que l'informatique a de mieux à offrir comme logiciels de prévisions météo ont dit à la Ville de Montréal qu'il ne neigerait pas tant que ça, mardi.

C'est moche et comme le note philosophiquement M. Hammouche, «ça arrive», ce qui ne change rien au fait que les oreilles du p'tit Jésus, là-haut au paradis, ont dû salement bourdonner, avec tous ces gens pris dans des bouchons qui blasphémaient comme des cochers, ici-bas...

On pourrait croire que ces prévisions complètement dans le champ expliqueraient le bordel d'hier. Prévisions de chute de neige tronquées, moins d'effectifs affectés au déneigement, équipes de déneigement débordées par la neige...

Eh bien non! Marcel Tremblay nous dit ceci: «Dès qu'il tombe 2 centimètres de neige, tout le personnel et l'équipement sont mis à l'oeuvre pour pousser la neige et dégager la route.»

Bref, même si les météorologues ne s'étaient pas gourés, même s'ils avaient bel et bien prévu ces 25 centimètres de neige, même si la Ville avait su avant, le bordel aurait été le même?

Je ne comprends plus, là. Plus du tout.

Le hic, c'est que la Ville, contrairement aux météorologues, ne dit jamais qu'elle se goure, côté déneigement. C'est toujours la faute des pneus quatre saisons, de l'arrondissement de X, de la pluie, de la glace, de l'achalandage sur les routes, de l'hiver plus rude que prévu, des petits bonshommes verts, de la guerre en Irak.

Résultat: on ne sait plus quand la Ville dit la vérité et quand elle «bullshite».

Alors on fait quoi? On sacre, cr****.

SCÈNE DE NEIGE Devant le poste de police, hier, rue Rachel. Une Mercedes est coincée dans un petit banc de neige. C'est évident: le propriétaire de cette auto de luxe roule en pneus quatre saisons. Ça explique les Zzzzzz que font ses pneus. Deux Samaritains arrivent. Poussent l'auto, poussent l'auto, poussent l'auto...

Qui finit par s'extirper du banc de neige. On pourrait croire, ici, que le chauffeur de la Mercedes aurait au moins baissé sa fenêtre pour remercier les deux Samaritains.

Eh bien, non. Il est parti comme un voleur.

Il y a des salopards partout.

LE BONHEUR N'EST PAS DANS LE TRAFIC J'en ai assez des jovialistes qui me disent que la neige que c'est le bonheur, qu'un bouchon, c'est pas le choléra au Zimbabwe. Arrêtez. Vous êtes dans le champ. Deux économistes suisses, MM. Frey et Stutzer, en 2004, ont publié une étude démontrant que plus on passe de temps dans le trafic, moins on est heureux. Une de leurs équations se lit comme suit:

Je répète:

O.K.?

Mettez ça dans votre pipe, jovialistes.