Il paraît que le débat des chefs est en péril. Jean Charest n'est pas d'accord avec le format proposé par les diffuseurs. Ceux-ci voudraient que ce format soit calqué sur celui d'Occupation double. M. Charest se sent plus à l'aise dans le format Deux filles le matin.

Mais non, je déconne. M. Charest fait de la résistance, c'est vrai.

Mais il rechigne devant un format calqué sur le débat des chefs fédéraux, c'est-à-dire en table ronde. Il préfère débattre comme en 2007: debout, derrière un lutrin, tous également coincés...

Donc, le débat des chefs est en péril. L'ennui, c'est qu'il n'y a pas de débats, dans les débats de nos chefs politiques.

Samedi soir dernier, NBC présentait une reprise de l'émission spéciale sur la campagne présidentielle de l'émission Saturday Night Live. Un délice. La satire et la caricature à leur meilleur. Du talent d'exécution et d'écriture à l'état pur.

Un des meilleurs sketchs? Les faux McCain et Obama croisent le fer en débat. Le hic: les deux candidats ne répondent pas aux questions. Ils parlent, il y a des mots qui sortent de leur bouche, mais ils ne répondent pas aux questions. Puis, leur temps est écoulé. Ouf.

Ça résume superbement la mascarade qu'est un débat des chefs, en politique. Chacun sort ses «lignes», écrites, testées et répétées en laboratoire par son équipe de communication, selon un scénario usé à la corde. Qui consiste essentiellement à parler du Soleil si on vous pose une question sur la Lune, puis d'attaquer la position de vos adversaires en répétant inlassablement vos slogans.

Voilà. Le politicien a «répondu» à la question.

Au débat anglais des chefs, à propos des coupes en culture, Stephen Harper a parlé d'études les justifiant. Gilles Duceppe a demandé des précisions sur ces études jamais publiées. Il a interpellé le premier ministre à ce sujet.

Réponse de M. Harper? Pas de réponse, justement.

Il a, tout simplement, ignoré la question. Les règles du jeu de ces débats et la cacophonie d'un débat à cinq ont fait que l'animateur, Steve Paikin, est simplement passé à un autre thème.

Les débats des chefs, au fond, ressemblent pas mal au Super Bowl, le match final de la NFL. Beaucoup d'excitation, beaucoup d'espoir, beaucoup d'attentes, beaucoup de flafla d'avant match, beaucoup d'analystes qui s'excitent, et...

Et, bien souvent, très souvent, on assiste à un match terne, sans suspense, rapidement oublié.

Oui, il y a eu des débats historiques, qui ont frappé l'imaginaire, qu'on repasse en boucle avant ces chocs. Brian Mulroney qui plante John Turner en 1984, à propos de nominations politiques décidées par Pierre Trudeau: «You had an option, to say no!» Lloyd Bentsen qui décapite Dan Quayle, dans le débat vice-présidentiel de 1988, quand Quayle se comparait à JFK: «Senator, you are no Jack Kennedy!»

Sauf que ces moments forts, souvent cités à la veille des débats, sont rares comme un tour du chapeau de Georges Laraque. Et ici, depuis que les débats se font à trois (à Québec) et à cinq (à Ottawa), c'est pire.

Désolé, mais le débat télévisé des chefs, tel qu'on le connaît, est un exercice qui tient davantage de l'infopub pépère, où chacun esquive les vraies questions. Je soupçonne les élus d'adorer ce format: le risque de knock-out est statistiquement improbable. Tout en leur donnant deux heures de temps d'antenne.

En fait, il y a bel et bien un knock-out technique possible dans le format du débat télévisé: le «scoop» balancé comme une grenade, en direct, sans possibilité de corroboration.

Charest qui lance en 2003 une baffe à Landry: une (fausse) déclaration de Parizeau, tirée hors contexte d'un récent discours de l'ancien premier ministre péquiste. Dumont qui sort une note interne embarrassante pour Charest sur l'effondrement du viaduc de la Concorde, note qui s'avère être un fabuleux pétard mouillé.

La solution?

Vous allez rire, mais mon fantasme, ce n'est justement pas un débat. C'est un format qui permettrait de cuisiner les chefs d'une façon toute simple. Deux heures, en tout, devant des journalistes et des citoyens.

Première heure: le chef se fait poser des questions par un panel de journalistes. Deuxième heure: des citoyens posent, aussi, leurs questions. Un peu comme TVÀ l'a fait, en 2007, avec les chefs Dumont, Charest et Boisclair. Un conseil municipal simple, efficace, sobre.

Le chef se défile? On lui demande de préciser. Le chef répond à côté de la question? On le ramène sur la bonne voie. Il lance un «scoop» en direct? On exige des détails, du contexte.

Et on recommence l'exercice, avec les autres chefs, le lendemain et le surlendemain.

Je rêve, bien sûr. Cette formule est trop simple, trop risquée pour les chefs. Ils préfèrent grandement leurs débats qui n'en sont pas.