Hum, juin 1990, ça fait... Ça fait environ 18 ans et demi, non? Ont-ils déjà oublié? Les Anglos ont-ils déjà oublié l'échec de Meech, je veux dire? C'était en juin 1990. Je veux bien croire que c'était avant la naissance de l'internet, mais c'est pas une raison pour faire comme si cet échec, qui a mené à la naissance du Bloc québécois, n'existait pas.

Et dans les papiers de Louise Leduc, qui documente l'incompréhension des fleurons du commentariat canadien devant la majorité bloquiste au Québec, pour le sixième scrutin consécutif, une grande absente: la Constitution.Le Québec n'a pas signé la Constitution de 1982. Seule province absente.

Le gouvernement péquiste de Lévesque, qui s'était senti trahi par les libéraux de Trudeau lors du rapatriement, n'a pas signé le document. Depuis, les gouvernements du Québec, qu'ils soient souverainistes ou pas, ont laissé la ligne pointillée vide. Cinq ans plus tard, le gouvernement libéral (et fédéraliste) de Robert Bourassa a signé un accord, l'accord du lac Meech, parrainé par le PM conservateur Brian Mulroney, qui allait permettre aux Québécois d'entrer dans la famille constitutionnelle "dans l'honneur et l'enthousiasme".

On sait ce qui s'est passé par la suite. Les législatures provinciales avaient trois ans pour ratifier, elles aussi, cet accord. Huit l'avaient fait, en 1990. Toutes devaient le faire avant le 23 juin 1990. Frank McKenna, premier ministre libéral du Nouveau-Brunswick, a alors renié la signature du précédent gouvernement de sa province.

Ce fut le début de l'agonie de l'accord, parallèlement torpillé par Pierre Elliot Trudeau, Jean Chrétien, Elijah Harper et Clyde Wells, entre autres. L'accord est mort à la fin de ce printemps de 1990.

Dans les cinq années suivantes, Lucien Bouchard a quitté le gouvernement Mulroney pour fonder le Bloc, qui est devenait opposition officielle à Ottawa, et le NON a gagné un référendum par la peau du popotin.

Tous ces événements ont leur Ground Zero: l'échec de Meech.

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Les chroniqueurs canadiens-anglais qui se demandent, Oh! my God! pourquoi les Québécois choisissent le Bloc en masse depuis 15 an semblent occulter l'insultant rejet de juin 1990.

Je ne dis pas que les Québécois se lèvent le matin en maudissant le fait que le gouvernement de leur nation n'est pas signataire de la Constitution. Et ceux qui votent Duceppe ont choisi le Bloc pour un tas de raisons, qui vont du goût de la souveraineté au fait que le Bloc demeure un parking de protestation dans lequel ils se reconnaissent davantage que dans ceux tenus par les autres partis.

Oui, les Québécois pourraient voter PLC. Mais le PLC, c'est le parti des commandites et des commanditaires de l'assassinat de Meech.

Oui, les Québécois pourraient voter NPD, mais le NPD, pour mille raisons, n'a pas le doigt sur le pouls des Québécois.

Oui, les Québécois pourraient voter PC; après tout, le PC a reconnu la nation et fait pleuvoir des sous sur le Québec, mais les Québécois ont de la misère à trouver un pouls sur le corps des marionnettes muettes qu'on leur propose comme candidats depuis deux élections.

Reste le Bloc, qui pogne, pour mille raisons. Dont le souvenir que ce parti est né parce que la grande-famille-constitutionnelle-canadienne lui a claqué la porte sur les doigts en 1990.

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On dira que la Constitution, c'est un symbole. Que le fait que le Québec n'en soit pas signataire ne change rien au prix des tomates ou de l'essence. C'est vrai.

Mais on ne peut pas faire, non plus, comme si les symboles étaient sans importance. Ou choisir les symboles qui nous arrangent quand ça fait notre affaire.

Ça ne change rien au prix des tomates que M. Harper ait donné un siège au Québec au sein de la délégation canadienne à l'UNESCO. Idem pour la reconnaissance comme nation (surtout que, désolé, nous savions déjà que nous formons une nation). Pourtant, ça n'a pas empêché M. Harper et ses candidats de les astiquer frénétiquement, ces symboles, dans le sprint pré-14 octobre.

Alors, c'est assez ironique de voir l'élite des commentateurs canadiens-anglais (j'exclus Mme Barbara Kay, du National Post, la Don Cherry des columnists) s'interroger sur ces vilains Québécois qui sont en amour avec le Bloc, sur le mode de la psychanalyse ou du courrier du coeur, tout en occultant Meech.

C'est un peu comme si on parlait de l'OTAN en Afghanistan sans mentionner les attaques sur le World Trade Center...

En passant, quand, dans les années 90, l'Ouest envoyait à la pelletée à Ottawa de sympathiques réactionnaires du Reform Party, j'espère qu'ils y allaient d'aussi intenses psychanalyses...

Ah, autre ironie savoureuse que j'aimerais relever. Quand Jacques Parizeau souligne (gauchement, certes) que le NON a fidèlement pu compter sur un "vote ethnique" en 1995, c'est du racisme puant qui démontre la tare des souverainistes.

Mais quand des commentateurs canadiens-anglais se désolent de voir les Québécois ne pas voter pour un non-Québécois, oubliant que, peut-être, juste peut-être, ils n'aiment tout simplement pas les positions de M. Harper, c'est quoi?

De la fine analyse?

Just asking.