Vous ai-je dit que je voyage avec un Anglais pour ce périple destiné à sonder le pouls du Québec à quelques jours du scrutin?

C'est pourtant vrai. Il s'appelle Martin Patriquin, c'est un Montréalais, élevé à Westmount, francophile, qui est journaliste au magazine Maclean's. Il devait lui aussi parcourir le Québec en ces derniers moments de campagne. On a décidé de faire ça ensemble.

Pendant les longues heures où ma Jetta avale les kilomètres, je m'efforce de polir un peu son français. Il parle et comprend bien la langue de la tribu (je lui dis toujours «ta tribu» en parlant des anglos) majoritaire, mais comme bien des gens de sa tribu, Marty bute sur le genre que nous accolons aux mots.

Un ou une avion?

Un avion.

Damn! Un ou une maison?

Une maison.

Damn.

Martin a aussi la curieuse habitude de mêler le bon moment pour utiliser le «tu» et le «vous». Ainsi, il me donne du «vous» et il donnait du «tu» à la députée bloquiste Christiane Gagnon, hier midi. J'apprécie grandement cette marque de respect, surtout d'un descendant du colonisateur.

Bon, l'autre jour, en arrivant à Québec, nous sommes passés devant les plaines d'Abraham. Un silence historico-glacial et lourd de sens a comme envahi l'auto.

C'est Martin qui a l'a brisé, le silence: «This is where we ki-cked your butts.» C'est ici que nous vous avons botté le derrière. Voyez, même les anglos ont leur «nous».

Duceppe sur le campus

Nous sommes encore à Québec, donc. Hier, je suis allé renifler un peu à l'Université Laval, où Gilles Duceppe faisait un discours. Beau campus, Laval. La salle où le chef souverainiste parlait était pleine. S'il n'a pas dit 750 fois qu'il fallait aller voter, il ne l'a pas dit une fois. S'il n'a pas dépeint Harper comme le bonhomme Sept-Heures 812 fois, il ne l'a pas fait une seule fois.

M. Duceppe a évoqué la guerre en Irak (appuyée par Harper, en 2003). Il a évoqué le retrait d'Afghanistan promis pour 2011 («Mais Harper a tellement brisé de promesses»). Il a évoqué Bush. Il a évoqué le pétrole, encore, dans un jeu de mots nul (qui devrait valoir 12 coups de bâtons à son rédacteur de discours): «La seule plateforme qu'on lui connaît (à Harper), c'est une plateforme de pétrole.»

Je me suis dit que c'est quand même drôle, la vie. Les conservateurs ont réussi à dépeindre, faussement à mon avis, Stéphane Dion comme un prof débranché, moumoune, qui veut hausser de façon dramatique le fardeau fiscal des Canadiens. À force de le répéter, subtilement ou pas, pendant des mois, c'est ce que M. Dion était (jusqu'aux débats) devenu dans un certain imaginaire collectif.

Puis, depuis quelques semaines, le Bloc fait le même coup à Harper.

Le chef bloquiste le dépeint comme un sale va-t-en-guerre qui astique les Hummer des CEO de pétrolières, comme un républicain du Nord. La vérité est évidemment plus nuancée. Pas grave. Duceppe répète le message. Et c'est ce que M. Harper est devenu pour bien des gens: Bush, avec une tuque.

Parle plus fort!

Remarquez, si les conservateurs avaient des promesses à présenter, une plateforme justement, il serait moins facile de leur dessiner des bottes de cowboy. Mais ils n'ont rien à proposer. Ou si peu.

Tiens, hier, à Loretteville, Josée Verner, ministre du Patrimoine (et responsable de la région de Québec), a défendu le bilan du gouvernement Harper, entourée des candidats bleus du coin. Les engagements, pour Québec? Il n'y en a pas. Juste un bilan.

Dehors, des manifestants pro-Kyoto, anti-répression contre les drogués manifestaient très efficacement devant le local de campagne de Mme Verner. Efficacement? Ils faisaient un boucan d'enfer! J'avais peine à entendre Mme Verner, par moments.

Cette conférence de presse, c'était un geste un peu désespéré de «montrer» les candidats, cachés depuis si longtemps. Forcément, le PC allait trouver des manifestants sur son chemin. C'était prévisible. Il aurait fallu faire ce point de presse au septième étage d'un immeuble, non? Loin des pancartes et des sifflets? Loin des manifestants qui ont autant fait partie des topos de la TV que le message de Mme Verner.

C'est le genre de gaffe qui arrive quand le quartier général d'Ottawa tue l'initiative en téléguidant ses marionnettes locales.

Une des candidates, à propos des manifestants, s'est fait demander ce qu'elle pensait d'eux. Réponse: «Moi, je préfère parler aux gens...» Réplique du tac au tac de mon Anglais, en montrant les manifestants: «C'est pas du monde, ça?» Oups.

En fin de conférence de presse, Mme Verner a parlé de l'importance de capitaliser sur le souffle de Québec, en cette ère-post 400e.

Québec doit rester un chef de file...

Comment? a simplement demandé une journaliste.

Ça, c'est avec les partenaires qu'on va discuter de la meilleure façon de le faire...

Une réponse de bullshit, quoi. Qui aurait été inutile si le PC avait un plan à présenter.

LA GAFFE DU MOIS

Depuis une semaine, j'ai interviewé Régis Labeaume deux fois, pour les Francs-tireurs et pour La Presse. Les deux fois, je l'ai fait parler de Josée Verner. Et les deux fois, il a refusé de l'attaquer. Il l'a même vantée.

Or, il semble qu'hier, dans une entrevue chez Marie-France Bazzo qui sera diffusée ce soir à Télé-Québec, il a lancé une boutade irréfléchie: «Des fois, j'aurais envie de la battre!»

Expression du terroir qu'il ne faut évidemment pas prendre au pied de la lettre. Mais qui n'a cependant pas sa place dans le discours d'un élu. Allez, monsieur le maire, des excuses. Comme vous m'avez dit: ça se fait, dire qu'on a fait une erreur. M'avez même dit que c'est honorable...

JE SAIS QUE VOUS ÊTES JALOUX

Je m'en vais au Saguenay. Et au Lac.

plagace@lapresse.ca