Le bureau de la députée bloquiste Caroline St-Hilaire est d'une tranquillité un peu énervante. On dirait une retraite fermée. Justement, son bureau sera bientôt fermé. La jeune femme ne sollicite pas de cinquième mandat, le 14 octobre.

«J'étais essoufflée, je n'ai plus la même énergie, la même fougue.»

Derrière son grand bureau brun, Caroline St-Hilaire, bientôt 39 ans, jadis la plus jeune députée du Parlement lors de sa première élection, en 1997, semble légèrement fatiguée.

 

Il y a quelques mois, elle a annoncé qu'elle ne serait pas candidate. Elle quittait ce bastion bloquiste qu'est Longueuil-Pierre-Boucher. C'est Jean Dorion qui brigue les suffrages pour le Bloc.

En démissionnant, Caroline St-Hilaire renonce à un généreux salaire. Ah, les salaires faramineux des députés fédéraux...

«Oui, c'est bien payé. C'est 150 000$ par année, députée à Ottawa. Si j'étais entrée en politique pour l'argent, j'y serais encore! Mon père m'a dit que je suis folle de m'en aller.»

Mais voilà, le coeur n'y est plus. La politique, ça use. Député, c'est un job de fou. Oubliez le clip occasionnel à la télé. C'est beaucoup de travail de comité, de lectures ennuyeuses et de visites passionnantes dans des épluchettes de blé d'Inde le samedi soir.

Très glamour, quoi.

C'est une amie commune qui m'a suggéré de jaser avec Caroline St-Hilaire. «Elle pourrait te parler de la vie trépidante de députée», m'a-t-elle suggéré.

Caroline St-Hilaire?

Ah oui! la bloquiste, me suis-je rappelé, en fouillant bien creux dans mon disque dur interne. La blonde de Maka Kotto, le comédien-poète-député-ex-bloquiste-nouveau-péquiste. C'est tout ce qu'en j'en connaissais.

Un mot sur la proverbiale place du Bloc à Ottawa, madame St-Hilaire?

«C'est la même question à chaque campagne, bougonne-t-elle. Ce qui me dérange, c'est qu'on ne pose pas cette question à M. Dion. Pourtant, son parti est deux fois moins populaire que le Bloc. Et excusez-moi, mais s'il y a de la place pour le NPD, il y a de la place pour le Bloc. Tant que les gens voteront pour nous, le Bloc a une légitimité.»

Elle est arrivée à Ottawa en 1997. Le ciel politique post-30 octobre 1995 était orageux. Le PQ, encore au pouvoir à Québec, se frottait régulièrement aux ministres de Jean Chrétien. Patrimoine Canada tapissait le pays de drapeaux canadiens. Il y a eu le renvoi à la Cour suprême. La Loi sur la clarté. Les partitionnistes s'agitaient.

Mais bizarrement, Caroline St-Hilaire, souverainiste jusqu'à la moelle (»je suis née comme ça») se souvient qu'il régnait néanmoins, entre députés bloquistes et libéraux, quelque chose qui ressemblait à de la camaraderie.

«J'ai posé ma première question à Denis Coderre, en Chambre, en 1998. Plus tard, il est venu me voir dans l'antichambre et il m'a dit en me donnant une tape dans le dos: Hé, bonne question, Caroline!»

La jeune députée découvrait que, malgré des excès, malgré des bêtises occasionnelles, ses opposants libéraux étaient des pros. Comme des joueurs de hockey qui se dardent, qui se frappent, qui se bousculent sur la glace, les libéraux, si j'ai bien compris, étaient capables de faire la part des choses.

«Prenez Jean Lapierre. J'étais sa critique, aux Transports, quand il était ministre de Paul Martin. J'ai été dure avec lui. Pourtant, quand j'ai annoncé que je quittais la politique, c'est lui qui m'a rendu le plus bel hommage!»

Caroline St-Hilaire m'a dit la même chose de Sheila Copps, qu'elle appelle d'ailleurs «Sheila».

«Sheila, elle était parlable. Comme députés, il faut se parler, faire avancer des dossiers hors de la Chambre. Je pouvais parler à Sheila, je pouvais parler à Denis Coderre.»

Or, dit-elle, les conservateurs de Stephen Harper sont très, très différents. Ils personnalisent les débats, au-dessus desquels, tranche Caroline St-Hilaire, «ils sont incapables de s'élever», au Parlement ou ailleurs.

Poser une question en Chambre à Josée Verner, «c'était l'enfer», dit-elle. Parce que la question appelait forcément et systématiquement «une réponse contenant une attaque personnelle», sur le registre enfantin du genre: «Si la députée de Longueuil écoutait les nouvelles, elle saurait que...»

Si Caroline St-Hilaire ne m'avait pas vanté le règne des libéraux de Chrétien, j'aurais pris ses attaques contre les conservateurs pour les griefs amers d'une souverainiste qui quitte Ottawa. Sauf qu'elle reconnaît des qualités à ces pitbulls canadiens fièrement tatoués d'une feuille d'érable que sont M. Coderre et Mme Copps.

«Drôle, hein? Je défends les libéraux! Sheila, j'haïssais l'idée qu'elle défendait. Mais j'avais du respect pour elle.»

Josée Verner, elle, ne lui a jamais adressé la parole hors de la glace parlementaire.

«Je l'ai croisée souvent. Pas un mot, pas un regard. Elle fait la même chose avec Christiane Gagnon. Et elles sont souvent dans le même avion, entre Québec et Ottawa!»

La plupart des ministres de Harper, juge Caroline Saint-Hilaire, sont comme ça. Pas partisans, «nous le sommes tous», mais carrément «hyperpartisans», au point où cette attitude nuit au travail parlementaire, selon elle.

«Et ça, c'est avec un gouvernement minoritaire. Imaginez-les majoritaires.»

On sort une fille du Bloc. On ne sort pas le message du Bloc d'une fille.

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