La mort? J'y pense le moins souvent possible, de peur de trop capoter. La maladie? J'y pense encore moins, de peur de l'attirer. Idem pour le cancer, cette épée de Damoclès qui tombe et assomme trop de gens qui ne lui ont rien demandé. Bref, je ne suis pas le public cible idéal pour écouter à la télé ou sur le web des témoignages de gens malades ou en fin de vie. Pourtant, au cours des derniers jours, l'actualité m'a pour ainsi dire forcé la main et obligée à tendre l'oreille.

D'abord avec ce témoignage assez bouleversant de l'animatrice et directrice du développement du contenu canadien de la chaîne satellite SiriusXM Andréanne Sasseville. 

La semaine dernière, la vidéo où elle est interviewée sur une botte de foin par l'auteur-compositeur Philippe Brach est devenue virale sur les réseaux sociaux. J'ai cliqué dessus par pure distraction, pas convaincue que j'allais écouter jusqu'à la fin cette fille que j'ai vue mille fois à la télé ou au cinéma dans ces espèces de pubs lisses et gentilles où elle interviewe l'auteur-compositeur de demain et parfois aussi le joueur de hockey de l'heure (voir son entrevue avec P.K. Subban).

Pourtant, cette fois, Andréanne Sasseville a vite capté mon attention. C'est que dans ce rôle inversé d'intervieweuse interviewée, Andréanne Sasseville se montre sous un éclairage nouveau, à la fois forte et vulnérable, mais surtout animée par une incroyable et étonnante résilience.

Avec une candeur touchante et sans une once de sentimentalisme, Andréanne Sasseville évoque le cancer du sein de stade quatre dont elle est atteinte depuis mai 2014: un cancer agressif, métastasé au foie, aux os et aux poumons, qui l'a obligée à se soumettre à deux mastectomies, à l'ablation des ovaires et des trompes, à au moins trois chimios différentes, à de la radiation et à de l'hormonothérapie. Si au moins toute cette souffrance avait donné des résultats encourageants. Mais non. «Les métastases ont continué à faire le party dans les autres pièces de mon appartement», a raconté avec humour Andréanne Sasseville.

La force et la lucidité qui se dégagent de cette femme sont inspirantes. Mais son témoignage est troublant. Notamment parce qu'il est livré par une femme au visage d'ange, belle comme un coeur et qui semble en parfaite santé alors que le cancer lui fait la vie dure comme un coloc toxique qui refuse de déménager.

On écoute Andréanne Sasseville avec le coeur brisé, en se disant que s'il y a une consolation dans cette histoire, c'est que ce cancer pourri et source de mille souffrances nous aura au moins permis de découvrir une femme exceptionnelle.

Et cela vaut aussi pour Anne-Marie Séguin, mère de quatre enfants, atteinte elle aussi d'un cancer et morte samedi dernier.

Anne-Marie, on l'a vue à Tout le monde en parle. On l'a entendue à l'émission de radio de Catherine Perrin et on l'a découverte dans le documentaire La mort m'a dit, tourné par son amie Marcia Pilote.

Dans les derniers mois de sa vie, Anne-Marie a ressenti le besoin de s'adresser directement aux internautes, par le truchement de courtes vidéos publiées sur YouTube, entre la fin du mois de mars et le début d'août. Chaque vidéo laissée en héritage sur YouTube raconte l'emprise de la maladie sur le visage d'Anne-Marie au cours de cette période. D'abord radieux et souriant, le visage d'Anne-Marie va au fil des semaines être lentement dévoré par le cancer. Le cancer détruira tout sauf le sourire, le courage et la force vitale d'Anne-Marie, qui jusqu'à son dernier souffle a aimé la vie à la folie.

En regardant Andréanne et Anne-Marie, je me suis dit que le cancer a de la chance d'avoir des porte-paroles aussi belles et lumineuses. Mais comment nier que c'est le cancer qui a fait ressortir le meilleur de ces deux femmes et qui les a rendues si vivantes, si vibrantes, si profondes et si entières.

S'il y a une leçon à retenir de ces deux femmes et une façon de leur rendre hommage, c'est d'aimer la vie aussi fort qu'elles et de laisser tous nos petits malheurs et toutes nos grandes misères au vestiaire.

L'autre leçon, c'est que la maladie, le cancer et la fin de vie sont des sujets que les médias auraient intérêt à nous servir à petites doses. C'est sans doute un hasard, il n'en demeure pas moins que jeudi, à la chaîne Moi & Cie débrouillée pour un mois, il était à nouveau question du cancer et de la fin de la vie. Le premier épisode de la série documentaire de Mitsou et Léa Clermont-Dion portait en effet sur le deuil: celui d'une mère atteinte d'un cancer et celui d'une autre mère dont la petite fille va peut-être mourir du cancer. Dans les deux extraits, tout le monde pleure. 

Après les émotions que viennent de nous faire vivre Andréanne et Anne-Marie, on a comme envie de fermer la télé. Et de sortir profiter de la vie.