Je ne connais pas beaucoup d'artistes, québécois ou canadiens-anglais, qui ont ouvertement appuyé Justin Trudeau. À part David Usher du groupe Moist, un partisan de la première heure, la plupart des artistes du pays étaient trop pris à vilipender Stephen Harper et à militer contre lui pour se préoccuper de Justin. Cela risque probablement de changer aujourd'hui et dans les mois à venir. Pour une raison bien simple: Justin a plus ou moins promis la lune à ses futurs nouveaux amis artistes.

Avec Justin et le Parti libéral, le monde des arts gagne le gros lot. C'est l'abondance après la famine conservatrice. C'est Noël après des années de carême à la sauce Harper. C'est une pluie bienfaisante de millions de dollars qui vient irriguer la plaine asséchée de la culture de ce pays.

Dans une vidéo de juin dernier qui a été peu diffusée, sans doute parce qu'elle était consacrée au sujet peu populaire de la culture, on a vu Justin s'avancer en sauveur sur la scène d'un théâtre vide (drôle de symbolique) et réitérer l'importance de la culture pour le développement économique, l'épanouissement personnel et l'identité nationale. Puis, sur des images de Trudeau serrant la main de deux jeunes violonistes classiques, le futur premier ministre entonne un hymne à la gloire de Radio-Canada, qui, selon lui, est un service essentiel.

Les gens qui travaillent pour CBC/Radio-Canada peuvent recommencer à respirer. Justin a promis d'annuler les coupes de 115 millions et d'offrir au réseau public un financement pluriannuel stable. C'est dire que, désormais, le président de CBC/Radio-Canada ne sera pas obligé d'aller quêter de l'argent tous les ans ni de supplier le gouvernement de le laisser vivre. Et manque de chance, Hubert T. Lacroix, le président actuel, ne risque pas d'en profiter longtemps. Le programme du Parti libéral prévoit en effet revoir la procédure de nomination des membres du conseil d'administration et du chef de la direction.

Des têtes vont rouler, mais au moins, l'argent va pleuvoir.

Et comme une bonne nouvelle n'arrive pas seule, Justin a promis de doubler le budget du Conseil des arts du Canada en le faisant passer de 181 millions aux 360 millions que le milieu réclame depuis des lustres. Ce n'est pas tout: Téléfilm Canada et l'Office national du film du Canada vont eux aussi entendre le doux tintement des millions. Le Parti libéral et son chef se sont engagés à investir 25 millions de plus par an dans les coffres de chacune de ces sociétés vouées au financement du cinéma et de la télévision. Ils ont également promis de revoir la Loi sur le droit d'auteur, d'investir dans les infrastructures culturelles et de moderniser les installations vieillissantes à la faveur des nouvelles technologies numériques. Amen.

Exception faite du Bloc québécois qui promettait des mesures encore plus avantageuses (200 millions pour Radio-Canada et 150 millions pour Téléfilm), le Parti libéral est le parti qui s'est montré le plus généreux et le plus soucieux de l'épanouissement des artistes et de la vie culturelle canadienne. On se doute bien que ce n'est pas ce souci qui lui a donné un gouvernement majoritaire. Les Canadiens n'ont pas voté massivement pour Justin parce qu'il est sensible aux artistes et à Radio-Canada. Les gens ont voté pour Justin d'abord parce qu'ils en avaient soupé de Stephen Harper.

Reste qu'au moins, on n'a jamais senti chez Justin Trudeau le mépris démagogique que Stephen Harper vouait à tous ces artistes qui passent leur temps dans de riches galas, comme il l'avait si bien dit.

De par sa femme Sophie qui vient du milieu médiatico-culturel, de par sa mère qui aimait bien les musiciens, surtout ceux des Rolling Stones, et même de par son père qui a fréquenté plus d'une actrice ou chanteuse, Justin n'aura pas cette méfiance rébarbative à l'égard des arts qui a tellement marqué le régime Harper et plombé son rapport au monde culturel.

Mais les promesses sont une chose et la réalité, une autre. Une fois bien installé dans le siège de premier ministre au Parlement canadien, une fois l'euphorie retombée, Justin se rappellera-t-il ses promesses aux artistes de ce pays? Depuis deux mois, il leur promet la lune. Il ne lui reste plus qu'à la décrocher.