Je suis confuse. Hier, j'étais Charlie. Aujourd'hui, je ne sais plus très bien qui je suis. Comprenez-moi bien: je suis toujours solidaire de l'esprit de Charlie Hebdo, toujours révoltée par l'horreur qui a frappé la rédaction du magazine et décimé ses meilleurs dessinateurs de même qu'une poignée de leurs alliés.

Je crois toujours qu'il faut se battre pour la liberté d'expression et pour le droit de rire et de tourner en dérision les symboles, politiques ou religieux. Je crois plus que jamais aux vertus de la satire, de la caricature et de la critique sociale, mais je me demande si je serai toujours capable de les reconnaître et d'en saisir le sens exact avec toutes les nuances et les circonvolutions que cela suppose.

Pourquoi toutes ces questions? D'abord à cause de Soumission, le nouveau Michel Houellbecq dont la sortie funeste en France mercredi, le même jour que l'attentat contre Charlie Hebdo, a ravivé la polémique au sujet de son islamophobie.

Campé en 2022 dans une France gouvernée par des islamistes, le roman a réussi l'exploit de confondre tout le monde. Les commentateurs qui se sont prononcés jusqu'à maintenant ne s'entendent pas sur les intentions de l'auteur qui, de toute évidence, prend plaisir à alimenter la confusion. La question demeure entière: ce roman est-il une satire à la Charlie Hebdo, ce qui le rendrait légitime, ou est-ce une oeuvre qui fait l'apologie de l'islamophobie, ce qui, par les temps qui courent, est plus que problématique. Personne n'a réussi à éclairer ma lanterne.

Or, Houellebecq n'est désormais plus le seul ouvrier dans l'usine des contradictions. Ils sont de plus en plus nombreux à verser comme lui dans la satire, la caricature, l'ambiguïté et la provocation.

C'est le cas de l'humoriste Dieudonné qui en a rajouté une couche au lendemain de l'attentat. Sur son site Quenel+, il a repris un des fameux titres de Charlie Hebdo: «Le Coran, c'est de la merde, ça n'arrête pas les balles.»

Sauf que sous la plume acide de Dieudonné, le titre est devenu: «Charlie Hedbo, c'est de la merde, ça n'arrête pas les balles.» Humour noir? Ironie cruelle? Attaque vicieuse? Discours haineux? Encore une fois, la confusion règne. Et que dire du rappeur français Médine dont je n'avais jamais entendu parler jusqu'à ce que la militante féministe Caroline Fourest présente dans son blogue son dernier clip, Don't Laïk, en le qualifiant d'ultra-réac et d'intégriste.

J'ai aussitôt cliqué sur le clip en question et entendu Médine entonner d'un air menaçant «On ira tous au paradis, tous au paradis on ira» dans un tourbillon de barbus, de femmes voilées, de djellabas et d'incantations troublantes. Difficile de ne pas voir dans ce clip rageur une déclaration de guerre à la laïcité à la française. Pourtant, sur YouTube, Médine se défend en qualifiant son entreprise de satire et de caricature, affirmant: «Ma provocation n'a d'utilité que pour identifier les phénomènes pervers et fondamentalistes afin de s'en prémunir.»

En d'autres mots, ce clip prône exactement le contraire de ce qu'il annonce! Vraiment? Si Médine ne me l'avait pas dit, je ne l'aurais pas compris.

Je suis Charlie, mais je suis aussi de plus en plus confuse.

J'ai le sentiment que cette tragédie qui a semé la violence et la mort tout en faisant naître un grand élan de solidarité nous a peut-être aussi entraîné dans une logique infernale. Car, à partir de maintenant, on ne pourra pas accepter une forme d'humour pour mieux rejeter l'autre.

À partir de maintenant, nous sommes condamnés à la liberté de toutes les expressions, de toutes les dérisions, qu'elles soient de bonne ou de mauvaise foi.

Je suis Charlie. Nous sommes tous Charlie et nous ne sommes pas sortis du bois.

On en a beaucoup parlé

De ce 7 janvier 2015 qui, pour la France, est une sorte de 11-Septembre pour la violence du choc, la force du symbole, l'effondrement d'une certaine idée de la liberté et parce qu'il y avait dans ce geste meurtrier quelque chose de fondamentalement INCONCEVABLE.

On n'en parle pas assez

De cette pub méprisante des Normes canadiennes de la publicité. On y voit un peintre dans son atelier peindre un tableau monochrome blanc. Lorsque le tableau se retrouve en galerie à un prix de plus de un million, le NCP fait son procès à travers ce message: «La création est subjective, la vérité ne l'est pas. En publicité, la vérité compte.» Non seulement cette dernière phrase est totalement fausse, mais une fois de plus la pub dénigre l'art. Pourquoi s'en prendre aux artistes et les accuser de fraude? De nos jours, ce ne sont pourtant pas les vrais fraudeurs qui manquent!