Guylaine Tremblay avait oublié sa carte d'accès. Cela arrive à tout le monde même à l'actrice fétiche des Québécois. En temps ordinaires, un gardien à une des entrées de Radio-Canada lui aurait fait signer une feuille. Ou mieux encore: il aurait appuyé sur le bouton magique pour déverrouiller les portes magnétiques et la laisser passer avec un clin d'oeil.

En lieu et place, elle a dû poireauter comme une parfaite inconnue en attendant les agents de sécurité. N'eût été une délégation de journalistes à qui on venait d'ouvrir les portes et qui l'ont prise par le bras et entraînée, elle attendrait peut-être encore au milieu des couloirs d'une tour qui, ces jours-ci, est un peu infernale.

Désormais, tous les invités de toutes les émissions, mais aussi de tous les services à Radio-Canada, doivent attendre qu'on vienne les réclamer à l'entrée.

Officiellement, en raison des attentats à Ottawa et à Saint-Jean-sur-Richelieu, on a resserré la sécurité aux portes. Officieusement, les départs et congédiements sont si nombreux que la mesure a été adoptée de peur qu'un ex-employé mécontent revienne dans la boîte faire du grabuge.

Les temps sont durs au sein de notre télé publique. Les tuiles n'en finissent plus de tomber: l'affaire Ghomeshi, la fermeture du costumier, la parution de Ici était Radio-Canada, un brûlot, mais aussi une mine d'informations accablantes sur le président Hubert Lacroix signé par l'ex-directeur de l'information Alain Saulnier.

Ajoutez à cela la sortie publique des quatre principaux syndicats des services français qui réclament la tête d'Hubert Lacroix et l'accusent de destruction massive. Sans oublier l'affaire Denis Florent, ce Français sympathisant du Front national et proche de l'Opus Dei invité à donner une série d'ateliers de formation à 200 employés la semaine dernière.

Manque de chance, les organisateurs de la formation ne s'étaient pas vraiment renseignés sur le monsieur. D'autres l'ont fait à leur place et ont découvert qu'il s'appelait aussi Denis Cherouze et avait des positions pour le moins extrémistes sur les gais, les FEMEN et les musulmans.

À la fin de la première journée, les quatre autres ateliers au programme ont été annulés et le monsieur, remercié, mais payé 10 000$ (7000 euros, le cachet prévu), ce qui en temps de compressions et de pertes d'emplois a enragé les troupes.

Et pour clore la liste des calamités, le comité sénatorial sur l'avenir de Radio-Canada, qui fait le tour du pays pour sonder les coeurs des Canadiens au sujet de leur télé publique, s'est arrêté cette semaine à Montréal. À noter que le comité est constitué d'au moins deux sénateurs conservateurs - Leo Housakos et Donald Plett -, qui en veulent personnellement à CBC Radio-Canada pour des reportages les incriminant. Il est néanmoins présidé par le sénateur Dennis Dawson, à coup sûr un ami de Radio-Canada, mais pas du président Hubert Lacroix.

Sur les ondes de la radio publique, mercredi, Dawson a critiqué vertement le projet de fusion de Lacroix en déclarant avec une pointe d'ironie: «On n'est pas à Mergers and Aquisitions, ici.» Une allusion directe aux fusions que Hubert Lacroix a accomplies à titre d'avocat dans une autre vie.

Dennis Dawson a poursuivi: «Radio-Canada et CBC, ce sont deux mondes, deux marchés. Radio-Canada n'a pas à payer pour les déficits et les problèmes de la CBC.» Le sénateur s'est aussi dit inquiet du manque d'indépendance d'Hubert Lacroix à l'égard du pouvoir politique à Ottawa.

Bref, pour Hubert Lacroix, ce fut une très mauvaise semaine. Pour les amis de Radio-Canada, par contre, la tourmente qui agite la tour (infernale) est un signe positif: le signe qu'il se passe enfin quelque chose, que le débat entourant l'avenir de la télé publique a quitté le royaume d'une indifférence somnolente pour revêtir une certaine urgence.

Espérons qu'il n'est pas trop tard et que se terminera bientôt cette saignée à blanc d'une institution culturelle dont, sinon le Canada, à tout le moins le Québec ne saurait se passer.

En attendant, une manifestation est prévue le dimanche 16 novembre à midi au square Victoria. Si vous tenez à la survie de Radio-Canada et à son avenir, c'est le moment ou jamais de descendre dans la rue pour le prouver.

On en a beaucoup parlé

De viols et d'agressions sexuelles cachés et tus pendant trop longtemps par trop de femmes qui aujourd'hui sortent sur la place publique pour témoigner. Leur nombre est effarant, mais c'est aussi leur nombre qui fait la force et la pertinence de leur charge.

On n'en a pas assez parlé

De la rencontre du président Hollande à la Société des arts technologiques (SAT) avec une poignée d'artistes. Diane Dufresne, Dany Laferrière, Monique Giroux y étaient, de même que le comédien Yves Jacques qui, à titre d'ex-interprète de Champlain, a remercié le président d'avoir souligné l'importance du fondateur de Québec. Le président a répliqué avec humour: «Merci, mais, depuis, tout le monde m'appelle Dupont.»