C'est hier que s'ouvrait le 71e Festival du film de Venise. Et Pupi Avati aurait bien aimé y être. Son film, Un ragazzo d'oro (Un gars en or) a été présenté aux programmateurs de Venise. Ils l'ont refusé. Il s'est donc tourné vers le Festival des films du monde (FFM), qui l'a accueilli à bras ouverts.

C'est Pupi lui-même qui a révélé ce petit secret au public de l'Impérial, hier matin. Une dame, qui avait peut-être oublié de prendre ses médicaments, criait à tue-tête dans la salle pour une fois bondée: «Votre film est un chef-d'oeuvre, monsieur. Un chef-d'oeuvre!»

Merci, a répondu Pupi Avati, avant d'ajouter avec dépit: «Et pourtant, Venise n'en a pas voulu.»

À sa place, je ne me plaindrais pas trop. Car Un ragazzo d'oro ne méritait peut-être pas une place dans la compétition vénitienne. Malheureusement, ce film qui met en vedette l'iconique (sic) Sharon Stone, c'est du vieux cinéma à papa fait par un vieux cinéaste qui semble s'être écrit une histoire père-fils pour se faire plaisir ou, pis encore, pour réaliser au cinéma ce qu'il a raté dans la vie.

Au coeur de l'histoire, le fils d'un scénariste raté qui vient de se suicider. Davide, un beau Brummel d'une trentaine d'années affublé de lunettes à la Harry Potter, détestait son père, mais maintenant qu'il est mort - et donc plus en état de lui nuire -, il part à la recherche d'un manuscrit que son père a écrit et qu'une sexy et mystérieuse éditrice veut publier.

Ne trouvant pas le manuscrit, Davide finit par écrire le livre de son père pour les beaux yeux de l'éditrice. Il finit aussi par devenir fou.

À l'issue de la projection publique, Pupi Avati a affirmé s'être ému lui-même en revoyant son film pour la énième fois. Il a ajouté qu'il trouvait ce genre de film extraordinaire et que ce qu'il trouvait encore plus extraordinaire, c'est qu'un fils sacrifie sa santé mentale pour réparer l'échec de son père.

Pardonnez mon impertinence, mais je ne vois vraiment pas ce qu'il y a d'extraordinaire à ce qu'un fils gâche sa vie pour réhabiliter le mythe de son père. Non seulement je ne trouve pas ça extraordinaire, mais je trouve ça pathétique. Et quand Pupi Avati affirme qu'il y a un problème avec les relations père-fils en Occident, j'ai envie de lui répondre qu'avec des pères qui préfèrent que leurs fils deviennent fous plutôt que de réussir, ce n'est pas surprenant.

Vous aurez deviné que je n'ai vraiment pas apprécié Un ragazzo d'oro, que l'histoire m'a jetée dans l'ennui le plus profond et qu'à plusieurs reprises, la mythique Sharon Stone m'a fait pouffer de rire avec ses numéros de charme bidon.

Peu de choses sauvent ce film, sinon les tenues de Mme Stone, qui fleurent le grand designer italien, ainsi que les scènes dans les jardins et les terrasses fleuries à Rome, magnifiques de beauté, de luxe, de calme et de volupté, et qui donnent mille fois plus envie d'aller en Italie que la pub pourrie de Trivago.

Vegas comme un jeu vidéo violent

«L'avenir de la Serbie, c'est nous!», lance un petit voyou dans le film serbo-américain Travelator, présenté hier en compétition officielle au FFM.

Or, si le petit voyou dit vrai, alors c'est que la Serbie n'a aucun avenir et court à sa perte. Il semble que ça soit le message du réalisateur serbe Dusan Milic, qui a été incapable d'obtenir un visa pour venir présenter son film à Montréal.

Idem pour le jeune acteur serbe - Nikola Rakocevic - qui tient le premier rôle et incarne un champion de jeux vidéo violents. Le jeune est un si bon tireur virtuel qu'il est embauché comme tueur à gages par la mafia locale. Sa mission: aller à Las Vegas pour tuer trois Serbes du clan mafieux ennemi.

Le jeune homme accepte non pas par appât du gain ou par appétit du sang, mais pour payer les traitements de chimiothérapie de sa mère atteinte du cancer.

En l'absence du réalisateur et de l'acteur, c'est l'actrice Khetanya Henderson, qui incarne une call-girl, qui est venue présenter le film. À noter que l'actrice a fait partie du spectacle Love du Cirque du Soleil pendant trois ans avant de tourner dans Travelator. Elle a expliqué que le film a été tourné en 2011 et que, faute d'argent, il n'a pas pu être terminé avant cette année.

Mais petit budget ou non, Travelator est, avant tout, un film de contrastes. Contraste entre la pauvreté abjecte de la Serbie en ruines et l'abondance obscène de l'Amérique, entre la grisaille glauque des banlieues serbes et les couleurs criardes et les lumières hallucinées de Vegas, entre la réalité et la virtualité qui finissent par se mêler et se confondre.

Or, tout en exploitant ces contrastes, le réalisateur, ami et protégé d'Emir Kusturica réussit à dépeindre les deux mondes opposés avec un égal réalisme. Sous son objectif, Vegas n'apparaît pas comme le parc d'attractions du Cirque du Soleil, mais comme un paradis sordide, peuplé de putes et de mafieux.

Quant à la Serbie, on découvre un pays ravagé par la pauvreté et la corruption, où les jeunes n'ont aucun avenir et où ils en sont parfois réduits à tuer pour une miche de pain. Travelator n'est pas un film joyeux. Mais c'est un film avec de la profondeur, une belle signature visuelle et qui plaide pour que les fils aient un meilleur avenir que leurs pères. Sans sombrer dans la folie.