Il avait tout pour être heureux: du talent à revendre, un don pour la comédie, un égal don pour le drame, une carrière qui refusait de pâlir malgré le passage du temps, l'amour du public, la reconnaissance de ses pairs, au moins un Oscar sur ses étagères, des centaines de nominations, des projets pour les 10 prochaines années, une belle villa, de l'argent, une femme aimante et trois beaux enfants. Oui, Robin Williams avait tout pour être heureux, pourtant, il s'est pendu chez lui dans la nuit de dimanche à lundi, aspiré par le trou noir de la dépression contre lequel il luttait âprement depuis des années.

Sa mort subite, inattendue, atrocement triste, a créé une onde de choc un peu partout dans le monde. Il y a des gens connus dont la mort ne surprend personne. Il y en a d'autres comme Robin Williams dont la mort nous laisse sans mots, sans voix. Pantois. Ce n'est pas juste une question de notoriété ou parce que Robin Williams appartenait à la royauté hollywoodienne.

La machine qui l'a mis au monde et maintenu dans l'imaginaire collectif de millions de gens a sans doute alimenté notre sentiment de perte. Mais il y a avant tout ce que Robin Williams dégageait, ce qu'il nous communiquait comme artiste, les rires hystériques ou affectueux qu'il déclenchait en nous, et la vaste gamme d'émotions qu'il réussissait à soutirer à ses personnages, leur insufflant quelque chose d'intangible et de magique; le supplément d'âme qui sépare les bons des grands.

Robin Williams était un grand, un créateur unique, pas imitable, pas clonable, un être d'exception comme la vie n'en envoie pas souvent sur le grand écran.

Non seulement Robin Williams était exceptionnel, mais il était attachant au sens où il suscitait une réelle affection chez le public. Il y a une race particulière d'artistes qui réussissent à établir un réel rapport d'affect avec leur public. Le rire en est souvent le moteur, ou alors une certaine qualité de douceur, de simplicité, de gentillesse. Robin Williams combinait tous ses éléments chez un seul homme, et cela, en dépit du fait qu'il pouvait aussi, dans le même souffle, faire preuve d'un humour caustique et abrasif à des années-lumière de la douceur. Rappelez-vous ses blagues sur Jean Chrétien ou sur les méchants séparatistes québécois.

Aurait-il pu être aussi exceptionnel et aussi attachant s'il avait été parfaitement sain d'esprit? S'il avait été un monument d'équilibre et de raison? La souffrance induite par la dépression qui lui grignotait l'âme a-t-elle eu une incidence quelconque sur sa sensibilité d'artiste? Sur l'ouverture et l'abandon dont il savait faire preuve dans ses rôles? C'est la question à 1 million dont nous ne connaîtrons jamais la réponse.

Depuis hier, les histoires fusent de toutes parts sur le fait que l'acteur avait des problèmes d'argent, qu'il se plaignait que ses deux divorces lui coûtaient cher. Certains affirment que l'annulation après seulement un an de sa série The Crazy Ones l'avait humilié et réactivé sa dépression. On pourra toujours trouver mille et une raisons pour tenter d'expliquer et de comprendre son geste.

Reste qu'on ne saura jamais avec certitude qu'une seule chose: Robin Williams avait tout pour être heureux, mais de toute évidence, ce n'était pas assez pour éloigner la dépression ni la maladie qui l'alimentait.

Mourir en août

C'est Frédéric Metz qui est parti le premier. Par une nuit de pleine lune d'été splendide, le prince du design, celui qui a fait du beau une mission pendant plus de 30 ans, formant au passage plusieurs générations de designers québécois, nous a quittés.

Le milieu culturel et médiatique montréalais dont il était un membre actif et pétillant venait à peine de commencer à pleurer sa perte qu'une autre disparition le frappait de plein fouet: celle de l'abbé Gravel qui a succombé au cancer qui le grugeait depuis plusieurs mois.

Et puis, dans un alignement des astres des plus sinistres, les nouvelles nous assénaient un autre coup de massue avec le suicide de Robin Williams.

J'ai un camarade qui croit à la théorie des séries voulant qu'un premier événement, par effet d'entraînement, en déclenche deux ou trois autres similaires, coup sur coup. C'est une théorie qui vaut ce qu'elle vaut.

Pour ma part, j'ai sentiment que tout cela, c'est la faute du mois d'août, ce mois en forme de mur qui marque à la fois la fin de quelque chose et un éternel recommencement. C'est incroyable le nombre de gens connus qui sont morts en août en commençant par deux grands mythes, Elvis et Marilyn, morts en août, comme des années plus tard, Lady Di, puis Lauren Bacall, hier. Chez nous, c'est au mois d'août que nous avons perdu Felix Leclerc, Jean-Claude Lauzon, Marie-Soleil Tougas, la chanteuse Ève Cournoyer, le comédien Robert Gravel, Hélène Loiselle et maintenant Frédéric Metz et l'abbé Gravel.

Cela ne prouve rien, évidemment, sinon que beau temps ou non, j'haïs le mois d'août!