Anticosti, perle du Saint-Laurent; Anticosti, île rêvée, île mythique, île du chocolat Menier, île de la Consolidated Bathurst. Île d'une taille comparable à la Corse. Île solaire, solitaire et si peu peuplée. Île tellement éloignée de nous qu'on se demande parfois si elle existe. Pourtant, non seulement Anticosti existe, mais elle est un trésor national.

En 1986, l'ONF avait lancé L'Anticoste, un documentaire de Bernard Gosselin sur les splendeurs d'Anticosti qui comptait à l'époque 347 habitants. Vingt-huit ans plus tard, le metteur en scène Dominic Champagne prend le relais avec Anticosti: la chasse au pétrole extrême, un documentaire lancé à Québec hier et lundi à l'Ex-Centris à Montréal.

Le film de Gosselin racontait l'histoire de cette île fabuleuse et posait le problème de sa continuité. Dominic Champagne, lui, pose une question plus urgente et brutale: faut-il exploiter le pétrole d'Anticosti et risquer le saccage de ce joyau du patrimoine faunique québécois? Exception faite de Québec solidaire, tous les partis politiques québécois s'entendent sur la nécessité d'entreprendre l'exploration du sous-sol anticostien pour éventuellement y faire l'exploitation du pétrole de schiste.

Au nom de l'indépendance énergétique, le gouvernement Marois avait même annoncé avant les élections un investissement de 100 millions pour commencer l'exploration en vue de confirmer la présence de 46 milliards de barils de pétrole sur 30 ans.

Inquiet de voir ce trésor national partir aux mains des sociétés pétrolières, Dominic Champagne a débarqué à Anticosti l'automne dernier avec sa caméra, son fils Jules et son regard de militant qui s'est battu âprement contre l'exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent et qui a gagné son combat. Il a vite découvert que la bataille d'Anticosti ne serait pas tout à fait de la même eau.

D'abord, il ne reste plus que 230 habitants dans l'île, des gens amoureux de la nature mais vieillissants qui constatent que l'île va mal, que le tourisme de chasse et de pêche les fait à peine vivre, que la surpopulation de chevreuils est en train de ravager l'écosystème et que, si rien ne change, cette beauté féroce et insulaire va couler. Or, même si tous les habitants ne voient pas l'arrivée des sociétés pétrolières de gaieté de coeur, la moitié d'entre eux se disent prêts à prendre le beau risque du pétrole, pour une simple et bonne raison: leur survie économique.

Par souci d'objectivité, le réalisateur a gardé les commentaires et les points de vue des pro-pétrole. Mais les images qu'il nous montre - des images de nature sauvage et indomptée où la pureté des rivières rivalise avec l'éclat des récifs qui s'avancent comme des cathédrales dans la mer - et le discours qu'il tient en voix hors champ, tendent à nous convaincre que l'invasion pétrolière serait la pire chose qui pourrait arriver à Anticosti.

Or, même si Champagne nous convainc des méfaits d'une invasion pétrolière avec tout ce que cela implique comme pollution, comme risques de déversements et comme perturbations écologiques, il ne nous montre pas comment l'île pourrait survivre autrement. Car le grand problème de l'île, ce n'est pas seulement son avenir, c'est aussi son passé.

Tous ses maîtres successifs, depuis le roi du chocolat Henri Menier, qui en avait fait son territoire privé de chasse, jusqu'à la SEPAQ en passant par la Consolidated Bathurst, tous ont cultivé chez les Anticostiens une mentalité de serfs plutôt que d'entrepreneurs et de promoteurs. Le résultat, c'est que des projets de développement durable qui auraient pu faire prospérer l'île n'y ont jamais vu le jour.

Le film de Dominic Champagne ne sauvera peut-être pas cette île qui périclite un peu plus chaque jour. Mais au moins il met la table pour le débat et la discussion. Grâce à ce film, on découvre qu'Anticosti n'est pas seulement un rêve, c'est une réalité. Il est urgent de s'en préoccuper.

On en parle beaucoup

De la lettre ouverte signée par 17 vedettes de l'info de Radio-Canada, inquiètes de voir leur institution mourir à petit feu sous le coup de compressions de plus en plus importantes. On aurait aimé que la ministre Shelly Glover réagisse à ce cri du coeur. Mais la ministre n'a fait aucune déclaration sur le site de son ministère et la manchette du jour invite les Canadiens à célébrer les nombreuses cultures de Moose Jaw plutôt qu'à regarder CBC/Radio-Canada. Cherchez l'erreur.

On n'en parle pas assez

De la chance d'avoir encore à Montréal et en région des cinémas de quartier comme le cinéma Beaubien où je suis allée voir Casse-tête chinois cette semaine. La salle était petite mais propre, les sièges confortables, l'ambiance sympa, la projection impeccable. Ceux qui claironnent la mort du cinéma en salle devraient aller faire un tour au Beaubien plus souvent.