«Avatar est un film bidon qui croule sous des effets spéciaux pathétiques. La vraie révolution, c'est de faire comme Alain Resnais qui, du haut de ses 91 ans, tient pour acquis que le public n'est pas dupe et sait qu'au cinéma tout est faux, mais que l'important, c'est d'y croire.»

Ce vibrant plaidoyer est sorti hier de la bouche de l'acteur Hippolyte Girardot à la conférence de presse d'Aimer, boire et chanter, le nouveau Alain Resnais, qui fait partie d'un des 20 films de la compétition officielle de la Berlinale.

Malheureusement, Alain Resnais n'a pas pu entendre tout le bien qu'Hippolyte et ses compagnons - Sandrine Kiberlain, André Dussollier et Sabine Azéma - ont dit hier à son sujet. Comme Georges, le pivot dramatique d'Aimer, boire et chanter dont on parle tout le temps, mais qu'on ne voit jamais, il brillait lui aussi par son absence.

«Il aurait adoré être ici, a expliqué sa compagne Sabine Azéma, mais à 91 ans, c'est difficile d'être en santé. Il soigne en ce moment un problème de hanche et de scoliose, mais autrement, tout va bien.»

Tout va bien, peut-être, mais pendant la projection de presse du film, les journalistes sortaient à pleines portes ou alors en profitaient pour piquer un petit somme.

Ce n'est pas qu'Aimer, boire et chanter est un mauvais film. Alain Resnais est un maître du septième art qui n'a pas perdu la main sur le plan de la mise en scène, du cadrage ou du montage.

Il réussit avec brio à donner du mouvement et du rythme à cette pièce de théâtre britannique montée en 2010 sous le titre Life of Riley et dont l'auteur Alan Ayckbourn serait l'auteur britannique le plus joué depuis Shakespeare.

Sauf qu'Alain Resnais nous en demande beaucoup. Entre autres, il nous demande de croire à la campagne anglaise alors qu'on est dans un studio à Paris devant un décor de carton-pâte.

Il nous demande d'adhérer à cette pièce, la troisième de l'auteur qu'il adapte au cinéma, et qui donne dans le marivaudage poussiéreux. Enfin, il nous demande de nous intéresser à trois couples mariés dont deux vieillissants, issus de la classe moyenne de la banlieue britannique et joués par des acteurs français. Les trois couples montent une pièce de théâtre amateur pour amuser l'invisible Georges qui souffre d'un cancer en phase terminale et qui entend bien aimer, boire et chanter jusqu'à la fin.

Et même si on finit par croire à la réalité du carton-pâte et à la forme hybride du film, l'aspect vieillot et prévisible de l'histoire finit par lasser.

Le plus grand problème de Georges, hormis son cancer en phase terminale, c'est qu'il refuse obstinément de vieillir et veut à tout prix rester dans le coup. Alain Resnais aussi, sans doute. Mais vouloir rester dans le coup est une chose. Y réussir, une autre.

La bonne nouvelle de toute cette affaire, c'est que Georges finit au cimetière. Alain Resnais, lui, est déjà en train de préparer son prochain projet de film. Le cinéma ne fait pas rajeunir, mais parfois il garde en vie. Longtemps.

Une journée (inventée) dans la vie de Nick Cave

Il y a plein de bons films à découvrir à la Berlinale et pas nécessairement dans la compétition officielle.

Mon coup de coeur cette année est un docufiction qui prendra assurément l'affiche à Montréal. Normal puisqu'il a été en partie financé par la mécène montréalaise Phoebe Greenberg. Notez le titre, 20 000 Days on Earth, et surtout notez sa vedette principale: le musicien, auteur-compositeur et grand-père des punks, l'Australien Nick Cave.

Tourné dans le plus grand secret pendant l'enregistrement de son plus récent disque, Push the Sky Away, le film a déjà remporté le prix du montage et de la meilleure réalisation documentaire au festival de Sundance. Et pour cause!

Les réalisateurs Iain Forsyth et Jane Pollard, des artistes visuels dont c'est le premier long métrage, ont eu la brillante idée de faire comme s'ils tournaient une fiction. Ils nous invitent à passer une journée (fictive) dans la vie bien réelle de Nick Cave.

Le film commence au réveil du musicien couché au lit avec sa femme Susan, enfouie sous les couvertures. On note au passage que le monsieur n'est pas pauvre et qu'il crèche chez les bien nantis. On le suit chez son psy qui lui pose de vraies questions de psy auxquelles il répond en toute franchise.

Puis on saute dans la voiture avec lui. On part pour Brighton Beach, en Angleterre, visiter un ami musicien ou au centre d'archives Nick Cave. Le musicien joue parfois au chauffeur et fait monter à l'arrière de sa voiture des gens comme l'acteur britannique Ray Winstone ou la chanteuse australienne Kylie Minogue avec qui il échange et improvise, un procédé qui nous change de la sempiternelle entrevue-témoignage.

Parfois, on a l'impression d'être dans un polar ou un film noir. Le reste du temps, on est dans un biopic nouveau genre, original, créatif, superbement filmé, oscillant constamment entre la réalité et la fiction et tellement plus intéressant à regarder que la vaste majorité des documentaires sur la vie de musicien. En plus, la bande-son est vraiment sublime.

Bref, c'est à voir absolument pour les fans de Nick Cave comme pour ceux qui n'ont jamais entendu parler de lui et qui ont tout intérêt à le découvrir.