Certains maires ont un penchant plus prononcé pour les arts et la culture que d'autres. On dit d'eux qu'ils sont des maires culturels.

Jean-Paul L'Allier était le maire culturel par excellence. Si, au cours des dernières années, Québec a connu un aussi bel essor culturel, c'est beaucoup grâce au maire L'Allier, qui a préparé le terrain et ouvert la voie à son successeur.

Gérald Tremblay n'était pas un maire culturel, mais quand il a compris que la culture était à peu près la seule chose qui marchait à Montréal, il l'est devenu par la force des choses. Jean Drapeau avait beau «triper» sur l'opéra, ce n'était pas un maire culturel. C'était un maire mégalo, dont la mégalomanie a heureusement bien servi Montréal, tout en l'endettant pour la vie.

Le maire Bourque était plus jardinier que culturel, mais, au moins, il nous a laissé en héritage une ville plus fleurie et de magnifiques jardins chinois et japonais.

Quant au nouveau maire Coderre, il a beau être un fana de cinéma et passer pour un être cultivé aux yeux de Stéphane Dion, son ex-prof de sciences po, ce n'est pas un maire culturel. C'est monsieur Showbiz.

Vous voulez que le nouveau maire assiste à un de vos événements? Déroulez le tapis rouge, sortez le champagne, invitez quelques vedettes, Céline et René de préférence, mais n'importe quelle autre vedette fera l'affaire, plantez un peu partout des flashes et des caméras (pas des caméras cachées, il n'aime pas ça), et vous êtes assurés de voir le maire débarquer avec un air rayonnant.

Mardi soir, il n'a pas hésité à se lever de son siège pour donner la réplique à Guy Nantel et faire crouler de rire la salle. Et 24 heures plus tôt, il fallait voir avec quelle aisance et quel plaisir béat le nouveau maire se prêtait aux questions de l'animateur Éric Salvail sur V. Un poisson dans l'eau n'aurait pas été plus heureux et frétillant.

Ce bonheur a atteint son paroxysme lorsque Salvail a lancé l'extrait du gala Juste pour rire où les deux font une parodie hilarante des Denis Drolet. Coderre y est excellent. Aucun doute: monsieur Showbiz aurait pu être acteur ou humoriste.

Mais un talent pour la comédie ou un appétit pour le cinéma ne fait pas un maire culturel ni même un maire sensible à la condition des artistes.

Pour l'instant, nous ignorons encore quel type de maire Coderre sera et, surtout, ce qu'il fera pour les arts et la culture. Enfin, pas tout à fait. Car le nouveau maire a exposé sa vision de la culture lors d'une soirée organisée par Culture Montréal en pleine campagne électorale.

J'ai relu les notes que j'ai prises ce soir-là. Je constate que le futur maire a eu quelques bons one-liners dans le genre: la culture n'est pas une dépense, c'est un investissement. Ou encore: le 375e de Montréal ne doit pas être juste un gros party, mais un legs virtuel et un tremplin pour de nouvelles infrastructures, comme des abris intelligents et cultivés reliés à un immense et hypothétique réseau numérique.

Ce soir-là, le futur maire a aussi souligné l'importance des ateliers d'artistes et du design urbain. Un bon point pour lui, qui aurait été encore meilleur s'il nous avait informés des mesures qu'il comptait prendre pour que le loyer des ateliers d'artistes n'augmente pas de façon exponentielle.

Quant au design urbain, on n'a su ni où ni comment il le ferait fleurir à Montréal. Il s'est contenté de lancer platement: nous devons mettre en place les forces vives pour la métropole culturelle et agir sur trois axes - rassembler, stimuler et rayonner. Va pour les trois axes, mais encore? Rien de plus.

Le nouveau maire a évoqué à plusieurs reprises l'importance de la diversité culturelle, affirmant que les communautés culturelles devaient être mieux représentées.

OK, mais comment? En organisant un festival de culture arabe? Il existe déjà. En s'intéressant à l'art autochtone? Il y a une formidable expo au Musée d'art contemporain qui fait cela en ce moment. En apprenant tous à chanter en bulgare et à danser la polka? Cela s'en vient. En nommant au comité exécutif de la Ville toute la distribution multiculturelle de Hairspray? Si c'est dans ses intentions, je l'en félicite d'avance. Sinon, il a parlé pour ne rien dire, un art qu'il maîtrise avec brio.

Quoi d'autre? Augmenter le budget du Conseil des arts de Montréal?

Selon Marcel Côté, si le budget du Conseil des arts de Montréal plafonne depuis des lunes, ce n'est pas faute d'argent, c'est faute de volonté politique. Or, à ce chapitre, le maire Coderre avait ce soir-là la volonté un peu molle. Alors que Côté proposait d'augmenter le budget de 1,250 million par année, Coderre offrait une augmentation de 500 000$ cette année, mais seulement s'il trouve l'argent. Parions qu'il le cherchera longtemps.

Pour pallier la baisse de fréquentation des salles de spectacles de Montréal, qui se vident à la faveur des salles de banlieue, le maire n'avait qu'une seule idée: revoir la stratégie du stationnement en ville, le week-end. Du parking et tout est réglé? Pas fort.

Denis Coderre sera toujours un maire Showbiz. C'est dans sa nature et son tempérament. Mais ce serait bien qu'avec l'aide de quelques valeureux conseillers, comme Manon Gauthier, qui semble promise au dossier de la culture, il devienne aussi le maire culturel dont Montréal a bien besoin.

Si monsieur Showbiz pouvait faire un peu de place à monsieur Culture, Montréal aurait tous les atouts pour remonter la pente et devenir, enfin, une vraie métropole culturelle.