Shelly Glover, la nouvelle ministre de Patrimoine Canada, a le béguin pour Roch Voisine depuis longtemps. Elle est même déjà allée le voir en concert quand elle était jeune fille. Elle chante Nous sommes les mêmes de Marc Dupré dans son condo. Elle adore la violoniste Angèle Dubeau, qui était sa voisine de fauteuil, dimanche, au gala de l'ADISQ. Contrairement aux apparences, la ministre ne s'est pas contentée d'un message enregistré à la télé. Elle a tenu à assister à l'événement. Elle a même fait la fête après, jusqu'à minuit et demi. «C'est important d'avoir la chance de parler avec ceux qui sont impliqués dans ce milieu-là, dit-elle. Parce que même si j'aime les arts et la culture depuis toujours, ministre, c'est tout nouveau pour moi.»

Dimanche soir, la ministre a été très impressionnée par le message des soeurs Boulay. «Elles ont mis en contexte ce que je pense au sujet de ceux qui commencent leurs carrières et ce que je dois faire comme ministre», m'a-t-elle dit. Et quand Louis-Jean Cormier a lancé son message d'amour à sa blonde, la ministre a eu un gros frisson. «Il était tellement sincère! C'est le moment qui m'a le plus touchée: ça et l'hommage à Guy Latraverse.»

Shelly Glover a 46 ans, des yeux clairs, des cheveux blonds qui moussent autour de son joli visage. C'est une Métisse franco-manitobaine qui parle un français presque impeccable, gracieuseté des soeurs grises de Saint-Boniface, qui l'ont élevée et sauvée des griffes de parents alcooliques et violents. Elle a déjà raconté à un journaliste qu'un jour, en rentrant à la maison, elle a vu des traces de Kool-Aid rouge dans la neige. Le Kool-Aid était en réalité du sang. Sa mère venait de poignarder son père.

Shelly Glover est ministre du Patrimoine depuis trois mois. Avant sa nomination, elle a été policière pendant 19 ans au Manitoba. Elle connaît la musique, mais elle connaît davantage les techniques policières, comme j'ai pu le constater, lundi, dans son bureau au parlement. La période des questions venait à peine de se terminer. La ministre avait 20 minutes à me consacrer et a voulu profiter de nos premières minutes ensemble pour régler ses comptes. Elle n'avait pas apprécié une chronique où je racontais brièvement sa vie et écrivais qu'elle avait eu son premier fils à 19 ans. En réalité, il s'agissait d'une fille. Le fils et les trois autres enfants sont venus plus tard. La ministre voulait des excuses. Je les avais oubliées au vestiaire. L'air est devenu orageux, le ton a monté et la ministre m'a rappelé à trois reprises qu'elle était policière. OK, là?

Un journaliste a déjà écrit qu'en Chambre, Shelly Glover pouvait se montrer parfois très agressive. Je n'en doute pas un instant.

Comme je n'avais pas envie de finir la journée au cachot, je lui ai présenté mes excuses. La policière s'est calmée et la ministre a accepté de répondre à mes questions sur les arts, la culture et le français, une langue qu'elle est fière de parler et que ses cinq enfants ont apprise en cours d'immersion.

Contrairement à son prédécesseur James Moore, qui ignorait qui était Robert Lepage, la ministre a une bien meilleure connaissance du milieu culturel québécois. Elle savait qui était Guy Latraverse. Quant à Robert Lepage, elle m'a dit que son nom évoquait pour elle des éclats de lumière. Elle m'a affirmé que son gouvernement était le seul du G7 à n'avoir pas coupé le budget de son Conseil des arts. Vérification faite, depuis 2008, le budget du CAC est resté stable à 181 millions - quand même un million de moins qu'en 2007. Mais il y a eu des coupes ailleurs dont elle n'a pas parlé: l'abolition du programme PromArt (9 millions) et des coupes à Téléfilm (10,6 millions), à l'ONF (4,7 millions), au Wapikoni mobile (490 000$) et à Radio-Canada qui, d'ici 2014-2015, perdra 115 millions. Dans le cas de Radio-Canada, elle affirme que son président lui a dit: «Je comprends et je suis prêt à faire ma part.»

Reste que la perception des artistes québécois à l'égard de son gouvernement n'est pas bonne. Les artistes voient le gouvernement Harper comme l'ennemi juré de la culture, un grand Satan doublé d'un méchant Séraphin. Que fera-t-elle pour changer cette perception? Sa réponse a été pour le moins étonnante. «J'aimerais rencontrer tous les artistes québécois et les embrasser. J'aimerais leur dire que nous, les conservateurs, on est avec eux et que les investissements en culture de notre gouvernement sont sans précédent.»

Sa grande priorité en matière de culture, ce sont les jeunes artistes qui commencent et qui ne savent pas à quel saint se vouer. Elle était particulièrement fière de m'annoncer qu'elle avait invité 40 étudiants en cinéma à la première du film The Grand Seduction, présenté ce soir-là au Musée de la civilisation du Canada.

Elle sait que le TNM lui réserve un fauteuil spécial les soirs de première. A-t-elle l'intention d'honorer ce fauteuil? Elle a prétexté un horaire trop chargé, puis elle a ajouté: «Intimider la ministre pour qu'elle se déplace, ce n'est pas une façon de faire ni d'avoir des relations amicales, mais bon, peut-être qu'un jour, j'irai faire mon tour.»

Voilà les gens du TNM prévenus. Shelly Glover a déjà marqué des points auprès des gens en musique. Ne lui reste plus qu'à répéter l'exploit au théâtre.