En changeant leur logo et leur appellation pour Ici et en effaçant de la sphère publique le nom de Radio-Canada, la direction de la télé publique a au moins réussi une chose: se mettre tout le monde, absolument tout le monde, à dos.

Depuis les grandes gueules de la twittosphère jusqu'au ministre du Patrimoine James Moore en passant par tout ce qui opine, commente et écrit, la réaction est unanime: Ici ne passe pas. Ici fait rire. Ici désespère. Ici enrage. Ici écoeure.

Ici fait même resurgir la vieille crainte du complot séparatiste. Écoutez James Moore déclarer: «La grande majorité des Canadiens vont être un peu préoccupés du fait qu'on parle de diminuer la présence du mot Canada ou canadien dans l'une de nos deux langues officielles.»

Est-ce que tous ces gens s'énervent pour rien? J'en doute. Tous ces gens ont raison de protester contre une mesure qui sous prétexte de recréer Radio-Canada, l'oblitère et la dissout dans l'insignifiance de trois lettres qui se prennent pour une marque.

Et que dire des pubs avec leur message débile? Ici tout est possible. En effet, même la connerie. Ici tout est permis. Tout? Ça m'étonnerait. Ici c'est le bonheur. Ma parole, on se croirait au Club Med.

Que dire aussi de la poursuite navrante que Radio-Canada a intentée contre une petite télé multiethnique? Avec la bénédiction du CRTC, la télé devait changer son nom cet été pour Ici. Quand on pense que Radio-Canada a dépensé 400 000$ et mobilisé tous les brillants cerveaux de son équipe de marketing pendant un an pour accoucher du même nom qu'une télé sans moyens, ça fait mal au coeur. Tout ça pour ça?

Le pire c'est qu'en conférence de presse la direction a affirmé que Radio-Canada était une marque solide et très admirée par l'ensemble des Canadiens. Elle aurait pu ajouter, une marque reconnue dans le monde entier. Quand un journaliste de Radio-Canada demande une accréditation pour un festival international, un événement sportif, l'élection d'un nouveau pape ou d'un nouveau président, il n'a aucun problème à l'obtenir. À l'étranger, Radio-Canada porte en son nom et en son sein, un sceau d'approbation immédiat. C'est autant une institution qu'une marque à laquelle sont associés les mots prestige, rigueur, pérennité et crédibilité. Remplacez Radio-Canada par Ici, à Rome, Istanbul ou Washington, et vous ne récolterez que froncements de sourcils et airs perplexes. Ici quoi? Ici où? C'est une blague?

Mais à quoi ont-ils donc pensé? Qu'on pouvait d'un trait réduire en miettes 75 ans d'Histoire et recommencer à neuf comme si de rien n'était avec un logo qui dans le meilleur des cas, rime avec Pepsi?

Sur papier et encore plus sur écran, c'est vrai que le Ici collé à la dizaine de plateformes qui constituent l'ensemble des services et des chaînes de la société, a le mérite d'être plus clair graphiquement que la pizza all dressed des logos dépareillés.

Mais il y a un monde entre faire un peu de ménage graphique et faire sauter la baraque au complet.

Que Radio-Canada veuille rajeunir son image, grand bien lui fasse.

Qu'Ici devienne un mot-clé dans sa stratégie, passe aussi. Après tout, Ici fait partie du vocabulaire des reporters et des animateurs depuis 75 ans. Mais leur Ici n'a jamais été tout seul, ni tout nu, flottant comme une vulgaire particule dans l'atmosphère. Leur Ici allait de pair avec Radio-Canada.

Or la plus grosse erreur, la grande gaffe de cette nouvelle stratégie dopée au jeunisme, c'est d'avoir torpillé l'expression Radio-Canada sous prétexte qu'elle était trop vieillotte ou pas assez branchée pour les jeunes.

Permettez-moi de croire que les jeunes sont plus intelligents que ça et qu'ils tiennent au nom de Radio-Canada autant que les plus vieux. Ce nom-là nous appartient à tous. Il doit revenir au grand jour. Parce que Ici sans Radio-Canada, ce n'est rien. C'est nulle part quand ce n'est pas carrément nul.

ON EN PARLE TROP

De Jacques Villeneuve. Dès qu'il ouvre la bouche et souvent pour débiter des inepties, tous les micros s'allument. Tant qu'il pérore sur les pneus Pirelli, ça va, mais souhaitons que ce week-end il n'en profite pas pour se lancer dans une autre de ses fumeuses analyses socio-économiques du Québec.

ON N'EN PARLE PAS ASSEZ

Du départ en catimini d'Anne Serode, la directrice des programmes de la radio de Radio-Canada. Le 16 mai, elle héritait du mandat de donner un nouvel élan à l'actualité et aux affaires publiques de la radio. Le 31 mai, elle prenait cet élan en quittant carrément Radio-Canada. Bizarre, non?