On l'oublie, mais avant de devenir l'angélique star des tapis rouges, la mère Teresa des causes humanitaires, la maman dévouée de six marmots, et la partenaire cosmique de Brad Pitt, Angelina était un ange noir. Elle était déjà belle, mais mal dans sa peau. Elle se mutilait, criblait son corps de tatous, collectionnait les couteaux et portait le sang de son bien-aimé de l'époque, dans une fiole autour du cou.

Avant de se réinventer aux bras de Brad, Angelina était un personnage de l'ombre, ténébreuse princesse gothique, traînant son vague à l'âme et son goût du morbide dans des valises lourdes de larmes.

Colère contre son père, relation trouble avec son frère, Angelina vivait sa vingtaine à la manière d'une rebelle, intense, radicale et provocante dans ses choix et ses allégeances.

Je rappelle ce passé pas si lointain parce qu'il éclaire le geste qu'elle vient de poser. En décidant de subir une double mastectomie préventive, l'actrice a en quelque sorte renoué avec la radicalité de ses premières années sur la scène publique quand elle n'était pas encore Angie ou Brangelina.

Cette semaine, sa lettre ouverte publiée dans le New York Times expliquant son choix médical se voulait sereine, rassurante, presque apaisante. L'actrice y apparaissait, en mots du moins, fière de son geste, fière d'avoir mis toutes les chances de son côté pour combattre le gène défectueux qui a tué sa mère. Fière d'avoir fait le sacrifice de ses seins pour voir ses enfants grandir.

Mais pour peu qu'on se mette à lire entre les lignes de sa lettre, le message d'Angelina n'en est pas un de contrôle, de responsabilité ou de fierté. C'est un message de pure terreur. C'est être tellement habité par la peur qu'au lieu de tabler sur ses chances, on choisit des mesures extrêmes et irréversibles au nom d'un ennemi qui n'existe même pas encore, si ce n'est sous la forme d'un absurde pourcentage: 87%, un chiffre tellement précis et aléatoire qu'il semble tombé du ciel et relayé par un gourou de la prévention.

Je ne suis pas une spécialiste du cancer, mais j'ai lu abondamment sur le sujet. Je ne suis pas une spécialiste, mais je sais une chose: le cancer n'est pas qu'une terrible maladie. C'est aussi une industrie: pharmaceutique, chimique, chirurgicale, une industrie qui pulvérise, qui éradique et qui reconstruit, mais surtout, une industrie qui carbure à la peur.

Cette industrie a beau s'enivrer de rose pour lutter contre l'ennemi, elle ne cesse de répandre le poison de la peur dans l'esprit des femmes.

Au cours des derniers jours, j'ai lu ou vu des dizaines de témoignages de femmes qui ont subi une mastectomie et qui ne regrettent pas leur décision. Comment pourrait-il en être autrement? Ces femmes ont sacrifié et charcuté une partie d'elles-mêmes. Elles n'ont pas les moyens d'avoir le moindre regret ni d'endosser un discours critique sur ce qu'elles ont subi de leur propre gré. Avouer qu'elles ont agi dans la panique et la précipitation serait courir à leur perte.

À cet égard, le témoignage candide d'Angelina est un cadeau du ciel pour ces femmes et un baume sur leurs souffrances. Mais c'est aussi un cadeau empoisonné pour toutes les autres qui hésitent à subir une mastectomie préventive.

L'image de beauté, de féminité et de sensualité qu'Angelina leur renvoie fera fondre leurs dernières hésitations. C'est un leurre. Car Angelina ne vend pas que la beauté. Elle vend une école de pensée: la prévention à tout prix et à n'importe quel prix, peu importe les conséquences et peu importe la nécessité.

Angelina vend une mesure extrême, convaincue que c'est la mort qui l'attend à plus ou moins brève échéance. Ce qui est triste c'est qu'elle croit plus à la mort qu'à la vie. Personne ne semble lui avoir enseigné que le pire arrive parfois, mais qu'il n'est pas garanti.

ON N'EN PARLE PAS ASSEZ:

De la campagne anti Abercrombie&Fitch qui fait rage chez vos voisins du Sud, depuis qu'un journaliste a révélé que la chaîne de vêtements ne vend pas et ne veut pas des tailles L et XL dans ses magasins.

ON RISQUE D'EN PARLER BEAUCOUP:

De Welcome to New York, le film d'Abel Ferrera sur l'affaire DSK avec Depardieu dans le rôle-titre et Jacqueline Bisset dans le rôle d'Anne Sinclair. La bande-annonce lancée pendant le Festival de Cannes est partout sur le net. Et si on se fie aux scènes graphiques d'orgies à répétition, le film ne sera pas piqué des vers.