À voir le déluge d'hommages posthumes, je commence à regretter de ne pas avoir connu davantage Richard Garneau. Je regrette de n'avoir pas communié plus souvent avec lui à La soirée du hockey ou pendant les 23 Jeux olympiques qu'il a couverts, pour son plus grand bonheur et celui de milliers de téléspectateurs.

Ce n'est pas ma faute, ni celle de Richard Garneau. Je ne suis pas une sportive et je ne le serai jamais. Le sport, pour moi, c'est trop souvent du chinois.

Je ne suis pas une sportive, mais je peux reconnaître la sincérité et le respect quand ils résonnent dans une voix ou s'impriment dans un journal. Et, depuis dimanche, tous les commentaires que j'ai lus ou entendus transpirent une réelle et sincère tristesse à l'égard de la disparition de Richard Garneau. C'est rare.

Habituellement, quand une personnalité de notre petite société tricotée serré nous quitte, les témoignages sonnent toujours un peu faux, un peu forcés, parfois carrément suspects. Comme si, chez nous, les hommes et les femmes grandissaient de plusieurs centimètres en mourant et que nous les portions aux nues du simple fait qu'ils n'étaient plus en état de nous nuire ou de nous déranger.

Pas avec Richard Garneau.

Les témoignages soulignant son professionnalisme, son ouverture d'esprit, la qualité de sa langue et son absence totale de prétention sonnent vrai et semblent venir du coeur de ceux qui les font.

Habituellement, ceux qu'on couvre de lauriers posthumes sont également à la retraite depuis des années et ont quitté la scène publique depuis des lustres. Notre souvenir d'eux manque de fraîcheur et de clarté. Mais Richard Garneau, lui, était encore dans le feu de l'action à 82 ans, au coeur de l'actualité olympique tous les deux ans, et présent tous les samedis matin chez Joël Le Bigot avec son humour suave et sa voix moqueuse. Ce qui m'amène à croire que ce qu'on pleure aujourd'hui, ce n'est pas seulement la disparition d'un homme, c'est la fin d'une présence réconfortante et familière.

Ce qu'on pleure, c'est la perte d'un symbole que l'on croyait éternel.

Il y avait bien des choses admirables chez Richard Garneau. Je n'en retiendrai que deux: sa jeunesse de coeur et sa jeunesse d'esprit. Si tous les gens de 82 ans avaient la fraîcheur, l'optimisme et l'enthousiasme de Richard Garneau, le monde ne serait peut-être pas meilleur, mais c'est sûr qu'il serait moins triste.

L'Irlande des réseaux sociaux

Encore aujourd'hui, quand on pense à l'Irlande du Nord, on pense moins à la trêve et au traité de paix qu'aux bombes, aux balles perdues et à la guerre sans fin entre les catholiques nationalistes et les protestants loyalistes. De la même manière, quand on voit Pervers (à La Licorne jusqu'au 23 février), une pièce de théâtre percutante sur la dérive des réseaux sociaux, on imagine qu'elle a été écrite au Québec ou en Amérique du Nord. En Irlande? Impossible.

Et pourtant, l'auteure Stacey Gregg, un petit bout de femme de 30 ans, est une Irlandaise protestante, née en 1982 à Belfast aussi bien dire au coeur du turbulent conflit qui déchire le pays depuis des années.

«Mais, dit-elle, je fais partie d'une nouvelle génération d'auteurs post-conflit qui tentent de se définir autrement que par nos antagonismes, et ce n'est pas évident. En Irlande du Nord, malheureusement, les gens sont encore très polarisés et résistent très fort au changement.»

Stacey Gregg passe la semaine chez nous, d'abord pour voir la production montréalaise de Pervers, créée à Dublin au printemps dernier. Elle est également ici pour rencontrer des élèves de l'École nationale de théâtre, pour qui elle écrit une pièce qui sera jouée en mai.

Elle raconte qu'en écrivant Pervers, l'histoire d'un jeune qui lance une fausse rumeur à son propre sujet sur Facebook, elle cherchait avant tout un sujet universel qui n'avait rien à avoir avec le conflit irlandais.

«J'avais lu un article sur une femme qui s'est fait passer pour une victime de viol et un autre sur un homme arrêté pour possession de pornographie juvénile et qui avait plaidé une recherche pour son boulot. Et puis, au moment où je me suis mise à écrire, un rapport sur les prêtres catholiques pédophiles est sorti. J'aurais pu exploiter ce filon de manière sensationnaliste, mais j'ai choisi de le faire de façon subtile et sans trop de complaisance.»

Le résultat: une pièce captivante avec des dialogues criants de vérité et un propos percutant sur les réseaux sociaux.

Un seul hic: la fin en queue de poisson, trop rapide et faussement rassurante, comme si Stacey Gregg avait voulu ménager son public et ne pas trop le bousculer. Elle plaide que non et affirme que la fin est ouverte et pas si rose que ça. Peut-être, mais l'important, c'est que cette pièce fait résonner un autre son de cloche que celui auquel l'Irlande du Nord nous a trop habitués. Autant dire que ça fait du bien.