C'est en sortant d'Amour, le film tant célébré de Michael Haneke, que j'ai compris pourquoi Jane Fonda existe. Je parle évidemment de la Jane Fonda d'aujourd'hui, pimpante et sexy à 75 ans, dont le corps moulé dans le silicone de l'éternité donne l'illusion que vieillir, c'est le fun. Un seul regard porté sur la Jane d'aujourd'hui et on remercie Dieu ou Darwin de l'avoir inventée. Pourquoi? Parce que la Jane top shape de 75 ans nous empêche de nous tirer une balle dans la tête: au sens propre comme au sens figuré.

Jane Fonda est l'antidépresseur par excellence, surtout lorsqu'on sort d'une projection d'Amour, un film qui porte essentiellement sur les deux terribles mamelles de la fin de vie: la maladie et la mort.

Oui, je sais, Amour est un grand film palmé à Cannes et porteur de 2 millions de nominations aux Oscars (j'exagère) y compris dans la catégorie du meilleur film de l'année.

Oui, je sais, la critique mondiale a salué avec émotion et emphase ce chef-d'oeuvre du cinéma. Et je suis bien d'accord avec la critique: Amour est un grand film et une oeuvre rigoureuse, maîtrisée, parfaite. Mais ce n'est pas sa perfection esthétique et cinématographique qui me préoccupe. C'est le rapport que le réalisateur entretient avec son public et ce qu'il cherche à nous dire avec son film. Oubliez le mot message, c'est trop vulgaire. Pensez plutôt au mot propos. Quel est donc le propos de Haneke? Que l'amour existe même quand on est vieux? Qu'en fin de vie tout ce qui reste c'est l'amour? Que comme dans la chanson de Jacques Brel, quand on n'a que l'amour au jour du grand voyage on a dans nos mains le monde entier?

Sans doute Haneke dit-il un peu tout ça, mais à mes yeux ce n'est pas l'essentiel de son propos. Ce que Haneke veut nous dire, il nous le dit dès le premier plan, lorsque des pompiers défoncent la porte d'un appartement où la mort a en quelque sorte été scellée.

Les sociétés occidentales d'aujourd'hui taisent la maladie et la mort, dit Haneke. Elles mettent un couvercle sur l'âpre et brutale réalité de la fin de vie et Michael Haneke a décidé de faire sauter ce couvercle, de défoncer la porte. Ce qu'il nous dit, c'est: «Moi Michael Haneke, je vais vous montrer ce qu'est une vraie fin de vie sans vous épargner aucun sinistre détail».

Je ne crois pas trahir ni mal interpréter la pensée du cinéaste quand j'écris cela. Je pense qu'avec Amour, Haneke veut plonger son spectateur dans l'inconfort, comme il l'a toujours fait avec tous ses films. Je pense qu'avec ce film comme avec les autres, il s'oppose violemment à la fuite en avant du cinéma commercial américain et à tous les films qui veulent nous rassurer sur notre éventuelle déconfiture, nous berçant de l'illusion que nous vieillirons glorieux et au sommet de notre forme comme Jane Fonda.

Mais permettez-moi de m'inscrire m'inscrire en faux contre sa démarche même si je la respecte. Permettez-moi de refuser qu'on prenne mes semblables et moi-même pour des imbéciles heureux qui n'ont aucune idée de ce qui les attend à la fin et à qui on doit tout montrer, y compris l'innommable et l'insupportable.

N'en déplaise à Michael Haneke, mes semblables et moi-même savons très bien l'ampleur du désastre qui nous attend à la fin, mais nous préférons regarder ailleurs. Quitte à faire semblant que le naufrage de la vieillesse, la déchéance de la maladie et l'inéluctabilité de la mort n'existent pas. Quitte à bloquer leur avancée par une affiche retouchée de Jane Fonda. Et c'est tant mieux, car s'il fallait que tous les cinéastes deviennent des professeurs de désespoir et ne fassent de films que pour nous offrir leur vision pessimiste des choses, le public serait peut-être plus lucide, mais il ne vivrait pas vieux, ni très longtemps.

ON EN PARLE TROP

La déconfiture du Cirque du Soleil. Je vous concède que 400 licenciements, ce n'est pas rien, surtout pour ceux qui perdront leur emploi. Mais un revers comme celui-là après 30 ans d'existence, de succès éclatants et de profits faramineux, c'est une goutte d'eau dans l'océan des affaires. Bref, même quand le Cirque va mal, il va très bien merci.

ON N'EN PARLE PAS ASSEZ

Pas de la rencontre du premier ministre Harper avec les gagnants d'Occupation double. Mais du fait que le premier ministre croyait sincèrement qu'Andréanne et Hubert étaient en réalité des Abénaquis déguisés en Lavallois et qu'ils avaient grandi dans la réserve indienne d'Odtva.