La directrice générale de la télé de la SRC m'avait bien prévenue: le premier épisode de la deuxième saison de la série policière 19-2 n'est pas un épisode comme les autres. Oh! que non. C'est une bombe. Une vraie bombe!

Elle avait raison. Ce premier épisode qui marque le retour des deux célèbres patrouilleurs est un épisode-choc, violent, sanglant, à la limite du supportable. C'est aussi un épisode dont on ne se remet pas aisément et qui va sans doute créer une mini-tempête auprès de l'auditoire.

Au coeur de ce premier épisode, une fusillade dans une école secondaire, pour ne pas dire une douloureuse et interminable tuerie, empruntant tantôt à la tragédie de Polytechnique, tantôt à celle du collège Dawson.

Interminable: je n'écris pas ce mot en vain. Je ne crois pas exagérer en affirmant que la tuerie dure de 30 à 35 minutes sur les 44 que compte l'épisode complet.

Peut-être est-ce un peu moins en temps réel, mais l'effet perçu, à tout le moins à mes yeux, c'est que le carnage n'en finit plus de finir, que les morts se comptent par dizaines et qu'être le spectateur passif et impuissant de ce bain de sang est un supplice.

Évidemment, les événements tragiques et récents de Newtown jettent sur ce premier épisode, écrit et tourné bien avant, un éclairage sinistre que l'équipe de 19-2 ne pouvait prévoir. Mais il n'y a pas que la proximité de la tuerie de Newtown qui provoque le malaise. Il y a une question morale qui ne se posait pas (du moins pas pour moi) avec Polytechnique, le film de Denis Villeneuve, et qui se pose ici tant sur le plan de la manière, du média que de l'événement en tant que tel.

Je m'explique: la tuerie de Polytechnique a infligé à la société québécoise un immense traumatisme collectif qui a longtemps été refoulé et tenu sous silence. Or, 20 ans après le fait et avec la distance que confèrent les années, le film de Denis Villeneuve nous a aidés en quelque sorte à exorciser ce traumatisme.

La tuerie dans 19-2 est une tuerie générique qui n'est pas liée à un événement précis et qui, par conséquent, ne nous libère de rien, mais nous enfonce dans le marécage trouble et confus de la violence gratuite et de la folie meurtrière d'un jeune détraqué.

Denis Villeneuve avait choisi de faire un film court de 80 minutes et de le tourner en noir et blanc afin d'éviter le bain de sang graphique. Podz, lui, a choisi la carte contraire, filmant sans retenue, sans filtre et parfois avec un peu trop d'insistance le sang, la violence, et la traque folle et aveugle des policiers lancés aux trousses du tireur dans les couloirs froids et cliniques de l'école.

Podz recrée la panique, la peur et la confusion qui émane de cette traque avec une redoutable efficacité. Mais, à plusieurs reprises, je me suis demandé si cette efficacité n'était pas un peu suspecte. En d'autres mots, y a-t-il vraiment lieu de se réjouir du fait qu'un réalisateur mette son talent et sa maîtrise technique au service de la reproduction - et rien que la reproduction, pure et exacte - d'une abomination? Pas sûre.

Je ne suis pas sans savoir que le concept même de 19-2 consiste à faire vivre aux téléspectateurs le quotidien glauque et éprouvant des policiers patrouilleurs. Je peux même concevoir qu'une fusillade dans une école soit l'événement le plus traumatisant du vécu d'un policier et qu'à Montréal, en 2013, cet événement est tout à fait plausible et probable. Mais pourquoi le téléspectateur devrait-il vivre cette épreuve seconde par seconde pendant 35 longues minutes? Quelle est l'utilité sociale visée? Quelle leçon de vie cherche-t-on à nous communiquer? Que c'est dur d'être policier? Après une saison complète de 19-2, je pense qu'on avait compris.

Peut-être que le but est plus simple que cela. La série 19-2 a quitté le petit écran il y a déjà deux ans. C'est une éternité pour une série télé. Entre son départ et son retour fracassant, la réalité nous a balancé au visage les matraques du printemps érable et les frasques de la pas très sympathique matricule 728, des cas d'espèce qui n'ont pas précisément contribué à améliorer l'image de la police.

Pour raviver la flamme du public pour 19-2 et nous faire à nouveau aimer les flics, il fallait un premier épisode qui cogne fort et qui fasse jaser. Il fallait surtout un drame poignant où l'héroïsme policier pourrait se déployer dans toute sa splendeur. Dommage qu'on ait choisi ce trop long bain de sang pour y arriver.