Le pavillon de NBC-Universal, au 4e étage du Palais des festivals, est à tomber par terre. C'est une enfilade de salons luxueux avec salles de visionnement, divans moelleux, bars, traiteur et terrasses sur la mer. Une armée de représentants y rencontre des clients étrangers pour leur vendre ce qu'ils brûlent d'acheter: des séries américaines à gros budget.

Plus loin, sous d'immenses tentes au bord de la mer, Sony, Warner et Freemantle Media en font autant, avec autant de faste. Comment, après cela, penser que les producteurs québécois puissent faire d'aussi bonnes affaires dans l'Espace Québec, un petit pavillon bleu financé par la SODEC et 10 fois plus petit?

C'est la question que je me suis posée en apercevant Jean Marc St-Pierre, des Productions Maj. L'ancien entraîneur de Myriam Bédard et de Jean-Luc Brassard était seul dans son fauteuil, comme un phoque abandonné sur une banquise. À le voir se tourner les pouces, on aurait pu croire qu'il a fait chou blanc au Mipcom. Erreur. Le producteur de Comment c'est fait (How it's made) est l'artisan d'un des plus grands succès québécois à l'international. Depuis 2000, ses équipes ont tourné dans 1100 usines dans le monde et produit 260 épisodes d'une série sur la fabrication de centaines d'objets.

La série, achetée par Discovery, a été vendue dans 180 pays et traduite en 35 langues. Et cette semaine, au Mipcom, le producteur a signé une entente avec Discovery, en Grande-Bretagne, pour une diffusion sur le puissant réseau Sky, avec une option sur la trentaine d'épisodes en 3D qu'il compte produire.

St-Pierre est à l'image de la présence québécoise au Mipcom: discrète, mais tenace. Même chose pour Jacquelin Bouchard, des Productions Pixcom. Cette année marque son 50e passage à Cannes avec le Mip et le Mipcom combinés. «Établir des relations d'affaires sur le marché international prend du temps, de l'argent et de la patience», dit-il, en citant un bon coup récent: la vente à un distributeur français d'une option sur le format de la minisérie Vertige, gagnante de plusieurs Gémeaux.

Au cours des prochains mois, le distributeur tentera de vendre le format à une chaîne française pour qu'elle en fasse un remake. Mais le fonds de commerce de Pixcom, à l'international, ce n'est pas Vertige, Aveux ou Apparences. C'est une série de documentaires d'aventure mettant en scène des Canadiens démineurs, pilotes de brousse et excavateurs dans le Grand Nord. En anglais et de facture américaine, la série a été vendue à Discovery, qui la diffuse dans le monde entier.

D'autres succès québécois s'ajoutent à la liste: la série LOL, vendue dans une centaine de pays, Les gags Juste pour rire, aussi populaires à l'international.

Sur une plus petite échelle, Image Entertainement Corporation, associée à Michel Courtemanche, vient de vendre Walter 100%, comédie muette à la Mister Bean, à Nuevo Mundo, chaîne hispanophone canadienne qui va sans doute lui ouvrir les portes de l'Amérique latine.

Quant à Henry Gagnon, il a lancé au Mipcom HGNet, une entreprise de distribution de séries comme Pat le chef et Manigances, uniquement pour l'internet. Le producteur serait sur le point de signer une entente avec un grand serveur en Inde.

Bref, les producteurs québécois ne peuvent peut-être pas se payer les installations luxueuses de NBC-Universal, mais à force de patience et de persévérance, ils réussissent à s'imposer.

Cimetière des objets disparus

Le cimetière des objets disparus compte un nouveau membre: le DVD. Peu importe le stand, le pavillon ou le pays, on ne peut trouver au Mipcom la trace du moindre DVD. Il a été tué par le téléchargement. Pour les vendeurs qui arrivaient à Cannes chargés comme des mules avec leurs caisses de DVD, c'est un soulagement.

L'ennui, c'est qu'avant, quand un vendeur refilait un DVD à un acheteur potentiel, il était assuré que la preuve matérielle du DVD déposée sur un bureau le rappellerait au bon souvenir de son client. Maintenant, la preuve est virtuelle et ne traîne pas sur les bureaux.

Prochainement sur vos écrans

Le Mipcom tire à sa fin. Les dés sont jetés. Parmi les champions, The Americans, série fascinante de FX qui se déroule en 1981, sous Reagan, et qui met en scène un faux couple d'Américains qui vivent, parlent et élèvent leurs enfants à l'américaine, alors qu'ils sont deux espions du KGB.

À surveiller aussi: Top of the Lake, une minisérie de la BBC réalisée par la talentueuse Jane Campion, gagnante d'un Oscar pour La leçon de piano.

Finalement, le roi du cinéma Harvey Weinstein s'invite à la télé avec une série sur Marco Polo et une autre sur l'assassinat de ben Laden, diffusée deux jours avant les élections américaines. Il prévoit aussi lancer, au printemps, les Oscars de la danse, les World Dance Awards. Bref, un énième gala que personne n'a demandé et dont, bien franchement, nous pourrions nous passer.