Elvis Gratton a longtemps eu le monopole de la devise «Think Big». Mais, contre toute attente, «Think Big» est désormais la devise de la délégation canadienne au Mipcom, le marché de la télé et des contenus de divertissement, qui se déroule sur la Croisette à Cannes jusqu'à jeudi.

Pourquoi le mot «big» revient-il dans toutes les vidéos promotionnelles vantant les mérites des productions canadiennes? Et pourquoi Carolle Brabant, directrice générale de Téléfilm Canada, a-t-elle conclu sa première allocution de la journée d'hier en lançant le «Think Big» d'Elvis Gratton?

Parce que, cette année, le Canada a été choisi comme pays à l'honneur du Mipcom.

Pour marquer le coup et frapper l'imaginaire des 12 000 participants au Mipcom, Téléfilm Canada et le Fonds des médias ont uni leurs efforts et leur argent pour agrandir le stand du Canada, qui est désormais le plus «big» du Mipcom. Une série de clips humoristiques ont été produits expressément pour l'occasion et servent le mot «big» à toutes les sauces. Deux des plus gros joueurs du paysage médiatique canadien, Pierre Karl Péladeau de Québecor et Wade Oosterman de Bell, ont été invités à donner des conférences. Et, finalement, une brochette de vedettes de la télé canadienne ont été dépêchées sur la Croisette pour donner des entrevues et faire des photos.

Douce ironie, le plus connu du lot était le Québécois François Arnaud, qui vient d'entreprendre la troisième saison de la série Les Borgia, où son personnage de Cesare (le fils de Jeremy Irons) ne cesse de gagner en importance et en notoriété. Trois autres Québécois figuraient à ses côtés: Ricardo Larrivée, Michel Courtemanche, venu faire la promotion du dessin animé Walter 100%, et Ève Landry, de la série Unité 9, qui a étudié avec François Arnaud au Conservatoire d'art dramatique de Montréal.

Le coup d'envoi de la Journée Canada a été donné hier matin par un petit-déjeuner avec les acteurs pressés de donner des entrevues de trois minutes top chrono comme s'ils étaient des vedettes de cinéma. Puis la délégation canadienne s'est déplacée au cinquième étage du Palais des congrès, où Carolle Brabant a lancé le bal en anglais - langue officielle du Mipcom -, en affirmant que le Canada était un grand pays qui faisait les choses en grand. La salle n'était pas vide, mais elle n'était pas pleine non plus, signe que le Canada a encore du chemin à faire avant d'attirer des «big» foules.

Peu après, Pierre Karl Péladeau a pris la parole en s'excusant de ne pouvoir le faire en français, une langue résolument en voie d'extinction au Mipcom.

Le discours du président de Québecor était sensiblement le même que celui qu'il a tenu à l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec en avril dernier, mais en moins âpre. Une fois de plus, il a déploré le fait que le Canada ne crée pas assez de concepts et de formats originaux. «Nous sommes des acheteurs plutôt que des vendeurs, et des locataires plutôt que des propriétaires», a-t-il affirmé, tout en admettant que les émissions qui fonctionnent le mieux à TVA dérivent toutes de concepts étrangers. Cherchez l'erreur.

Le président de Québecor en a profité pour critiquer les structures trop rigides du système de radiodiffusion canadien, plaidant pour un changement de règlements, de mentalités et pour des subventions accrues à l'exportation.

Ceux qui s'attendaient à ce que la guerre qui oppose Québecor à Bell se déplace à Cannes ont été déçus. Le président n'a pas soufflé mot sur son opposition à l'achat éventuel d'Astral par Bell Canada. Il n'a mentionné le nom de Bell qu'une fois: pour se plaindre du fait que Bell, qui possède CTV, a droit à des crédits d'impôt en Ontario et pas TVA au Québec. La petite histoire veut que le choix des deux conférenciers ait été fait au printemps dernier, avant que n'éclatent leurs différends.

La journée s'est terminée par une ronde de cocktails, d'abord à Espace Québec, un espace aux couleurs du Québec moins «big» que l'espace canadien, mais où il y avait foule à 17h pour le rosé et les canapés. Puis à 19h, les vedettes de la télé canadienne étaient invitées à fouler le tapis rouge. Pas celui qui se déploie sur les marches du Palais pendant le festival de cinéma, mais plutôt celui de l'hôtel Martinez, déroulé devant une meute de photographes qui ne connaissaient pas toujours le nom des vedettes de Saving Hope, de Cracked ou de Heartland, mais qui les ont mitraillées comme s'ils les connaissaient depuis toujours. François Arnaud a charmé les fans des Borgia et Ève Landry, ravissante avec son décolleté plongeant noir, a fait tourner les têtes.

Mais le clou du tapis rouge était sans contredit un robot à tête humaine et à corps synthétique du nom de Jason, vedette de l'émission britannique The Gadget Show. Tout le monde a voulu être pris en photo avec lui, même s'il n'était ni «big» ni canadien.