Que vaut la parole d'un malade? Je ne parle pas d'un malade alité dans un couloir des urgences qui attend depuis 48 heures et qui s'en plaint au journaliste venu enquêter sur le terrain. Je parle d'un malade dans la tête, psychologiquement déséquilibré, qui ne sait plus ce qu'il fait ni ce qu'il dit et qui téléphone d'une infirmerie du Centre de détention de Rivière-des-Prairies.

Je parle de Richard Henry Bain, principal suspect dans l'attentat du Métropolis, qui a accordé une entrevue à la journaliste Trudie Mason de CJAD. Enfin, accorder n'est pas le bon mot puisque personne ne demandait rien au bonhomme. De son propre chef, Bain a appelé à la station. Le bon sens aurait été de prendre son appel, de l'écouter délirer pendant 38 minutes, de lui dire merci bonsoir et de jeter son témoignage à la poubelle.

Mais de toute évidence, la direction de CJAD, qui appartient au groupe Astral, lequel attend le feu vert du CRTC pour être vendu à Bell, ne sait plus ce qu'est le bon sens. Trop heureux d'avoir un scoop qui ferait à coup sûr augmenter la valeur marchande d'une station en déclin, la direction a décidé de diffuser, au moment même où Pauline Marois présentait son gouvernement, des extraits de l'entrevue.

Encore une fois, entrevue est un mot trop fort pour décrire le délire d'un type qui commence par vouloir nous donner sa vision de Montréal. Sa vision, non, mais je rêve? Pour qui se prend-il? Et pourquoi sa parole fondée au mieux sur du vent, au pire sur la maladie, serait d'un quelconque intérêt?

Au plan de l'information, la parole de Bain, c'est des calories spectaculairement vides. Et sur le plan de l'éthique - l'éthique de ceux qui choisissent de diffuser cette information -, c'est une honte qui donne froid dans le dos et inspire un profond malaise.

J'ai ressenti le même malaise en écoutant le témoignage accablant de Céline Boisvert, l'ex de Michel Dumont à l'émission de Denis Lévesque. Au fait, à quel jeu joue Denis Lévesque? Lundi, l'animateur refaisait le procès Dumont avec la victime Danielle Lechasseur qui, pour la troisième fois, a changé sa version des faits et affirme désormais, après avoir signé une déclaration contraire, que Dumont est son agresseur.

Mercredi, c'était au tour de l'ex de Dumont, Céline Boisvert, d'aller dans le même sens, racontant qu'elle avait fait un faux témoignage au procès de Dumont par peur de représailles d'un homme qu'elle qualifie maintenant d'agressif et de violent. Même l'impuissance documentée de Dumont fait l'objet de son révisionnisme historique. Vérification faite, Céline Boisvert a donné une tout autre version à l'équipe du film et a reçu un dédommagement financier pour que son vrai nom puisse être utilisé.

Je ne ferai pas ici le procès d'une femme dépeinte dans le film comme instable et dépressive et incarnée avec brio par l'actrice Sarianne Cormier. Je me contenterai de remettre en question l'éthique d'un animateur qui tend le micro à cette femme fragile émotivement et la laisse parler sans jamais la confronter avec le moindre fait. Pourtant, les faits existent. Ils sont consignés dans l'épais dossier juridique dont est constitué une bonne part de L'affaire Dumont. L'équipe de Podz a fait sa recherche, vu les résultats du polygraphe passé par Dumont, lu les rapports de la DPJ et les lettres accablantes des enfants contre leur mère et étudié tous les documents de cour depuis l'accusation de Dumont jusqu'à son acquittement en 2001.

Je repose ma question: à quel jeu joue Denis Lévesque, autre que celui de faire monter ses cotes d'écoute en exploitant la fragilité et le besoin d'attention des victimes de cette triste affaire? Poser la question, c'est y répondre.

***

On en parle trop

Marie Mai: son CD, son clip, son DVD, sa vie, son oeuvre, son horaire, ses fans, son mariage, sa maison, son contrat de coach à l'émission La voix et quoi encore? Elle devait prendre une sabbatique cette année. Ce sera quoi quand elle va revenir au travail?

On n'en parle pas assez

D'architecture et de Melvin Charney, mort lundi à 77 ans. Architecte engagé et non pratiquant, grand penseur de la ville, trois fois représentant du Canada à la Biennale de Venise, héros inconfortable qui a formé des générations d'architectes, on lui doit l'expo Corridart brutalement démantelée par Jean Drapeau, l'aménagement de la place Émilie-Gamelin et le jardin de sculptures du Centre canadien d'architecture où il faudra aller se promener ce week-end pour saluer sa mémoire.