Ce soir, peu importe pour qui vous avez voté et peu importe si vous avez gagné ou perdu vos élections, vous êtes invités au cinéma Beaubien. Dominic Champagne et des membres du mouvement Sortir le Québec du nucléaire vous y attendent pour la première de Gentilly Or Not To Be.

Le titre du documentaire a l'air amusant comme ça. Le propos l'est beaucoup moins. Pour le commun des mortels qui n'a pas de doctorat en physique nucléaire ou même un bac en développement durable, c'est un propos accablant, épeurant, terrifiant. Pendant 54 minutes, les réalisateurs Guylaine Maroist et Éric Ruel cherchent à nous prouver que la centrale nucléaire Gentilly-2 à Bécancour, celle qui devait fermer définitivement en 2008 et dont le gouvernement Charest a décidé d'entreprendre la réfection, est un désastre en préparation: la chronique d'une catastrophe annoncée.

Toutes sortes de sommités défilent dans le film, dont le ministre allemand de l'Environnement et de la Sécurité nucléaire, qui confirme que l'Allemagne va fermer ses 17 centrales nucléaires. Pourquoi? À cause des études démontrant une hausse des taux de cancer, non seulement à cinq kilomètres des centrales, mais jusqu'à 70 km de distance! On y entend aussi le docteur Ian Fairlie, spécialiste britannique des radiations qui a déjà siégé au Parlement européen pour les verts, affirmer calmement que ces études sont intéressantes pour le Canada, car les réacteurs allemands émettent les mêmes vapeurs d'eau radioactives - le tritium - que les centrales canadiennes, avec la nuance qu'au Canada, leur radioactivité est de 20 à 30 fois supérieure!

C'est le même docteur Fairlie qui lance cette phrase dévastatrice: si vous voulez fonder une famille, ne le faites pas à Bécancour, ajoutant que toutes les femmes en âge de procréer devraient quitter la région illico. Quant à ceux qui restent, il leur conseille fortement de ne jamais manger les légumes de leur potager ni de boire le lait des vaches du coin.

Alarmiste? Peut-être. Militant? Absolument. Mais dans les circonstances de la réfection inutile et nuisible de Gentilly-2, je préfère l'entendre lui que Nathalie Normandeau. Ah Nathalie! La voir à l'écran dans ses tenues chic répéter à l'Assemblée nationale comme dans les couloirs du parlement que Gentilly est parfaitement sécuritaire, c'est entendre Yves Desgagnés prétendre sur la scène du Métropolis que tout va bien et qu'on s'est énervés pour une banale bombe assourdissante. Mais Nathalie persiste et signe sans autre preuve que sa parole qui, bien franchement, a perdu son vernis et ses réserves de crédibilité. C'est aussi un peu le cas de Thomas Mulcair, qui affirme dans le film que le maintien de Gentilly est arrangé avec le gars des vues et qu'il ne vise qu'un but: faire du Québec la poubelle nucléaire du Canada.

C'est une affirmation énorme et lourde de sens. Elle fait surgir toutes sortes d'images d'horreur, dont celle d'un vaste complot du Canada contre le Québec. Mulcair n'utilise pas le mot complot, mais c'est tout comme. Ironiquement, depuis, le chef du NPD refuse d'entrer dans les détails sur cette question, comme l'a appris à ses dépens mon camarade Patrick Lagacé.

Or, la vérité est tout autre. Selon un article assez fouillé du Toronto Star, il ne s'agit pas d'un complot, mais plutôt d'un concours qui fait saliver le reste du Canada. Sur la rive est du lac Huron comme à Eliott Lake, au nord de l'Ontario, capitale mondiale de l'uranium, ça se bouscule au portillon pour devenir la poubelle nucléaire du Canada et enfouir en un seul lieu tous les déchets nucléaires du pays, un projet dont le budget oscille entre 16 et 24 milliards! Autant dire que les chances que le Québec remporte le concours sont pratiquement nulles.

J'aurais souhaité que le film fasse cette nuance avec Thomas Mulcair ou avec un autre. Ce n'est pas le cas et c'est dommage.

Gentilly Or Not To Be, vous l'aurez deviné, n'est pas un film entièrement objectif. C'est un film militant, biaisé, un brin manipulateur, conçu pour secouer, voire choquer le grand public qui n'est pas au fait du dossier nucléaire. Et c'est tant mieux. Car à quoi bon faire des films sur un sujet aussi controversé que le nucléaire, si ce n'est pour faire jaser les gens et surtout les intéresser à une question complexe? En principe, le PQ s'est engagé à fermer la centrale, mais le cas échéant, ce film, qui sera diffusé à Télé-Québec le 17 septembre, ne manquera pas d'apporter de l'eau (radioactive) au moulin.