Les bilans de fin d'année ont ceci de bon, du moins pour ceux qui les rédigent, qu'ils nous permettent d'arrêter le temps. Enfin! De respirer par le nez, de séparer l'essentiel de l'insignifiant, de regarder dans le rétroviseur et de mesurer le chemin parcouru.

Et même si 2011 a semblé se dérouler sous le signe des bouchons et des embouteillages, quand je regarde dans le rétroviseur culturel de 2011, je vois du mouvement, de la fluidité, de l'innovation, une pincée d'audace et la confirmation d'un génie artistique québécois qui ne cesse de repousser ses limites.

À la télé, si Occupation double nous a fait toucher le fond du baril et frôler la commotion cérébrale collective, on a pu se consoler avec 19-2, une série au réalisme et à l'authenticité criants. Un peu à la manière de NYPD Blue, mais avec une touche bien québécoise, 19-2 a exploré avec brio et sensibilité la vulnérabilité masculine de deux flics en chute libre dans leur vie et dans leur métier. Comme avant, avec Omertà, Fortier, Tag, Temps dur et Aveux, 19-2 a permis à la télé québécoise de franchir un palier sur le plan de la forme et du récit et de rivaliser avec les meilleures séries étrangères.

Du côté du théâtre, l'année a été turbulente et marquée par un événement impossible à ignorer: la crise provoquée par l'annonce de la présence sur la scène du TNM de Bertrand Cantat dans Le cycle des femmes, de Sophocle, monté par Wajdi Mouawad. Quand je pense à la déferlante que ce spectacle à venir a déclenchée chez nous, j'ai presque envie de remercier Mouawad. Pas pour la manière dont il a géré le début de la crise en se murant dans le silence et en brillant par son absence. Plutôt pour avoir réveillé nos démons, testé les limites de notre tolérance et pour nous avoir en quelque sorte obligés à réfléchir collectivement sur le pardon et la réhabilitation d'un créateur qui a tué la femme qu'il aimait.

Heureusement, le théâtre ne s'est pas nourri uniquement de crises, mais aussi de quelques succès. À cet égard, le Hamlet interprété par Benoît McGinnis et magnifiquement mis en scène par Marc Béland nous a fait vivre un grand moment de théâtre et constater que la perfection est parfois de ce monde. Quant à l'homme de théâtre Dominic Champagne, il nous a montré qu'on peut s'engager politiquement avec passion comme il l'a fait dans la bataille du gaz de schiste sans perdre sa pertinence artistique. Les deux mises en scène de Champagne, Tout ça m'assassine, à la Cinquième salle de la PDA, et HA Ha! ..., au TNM, en sont la preuve éclatante.

Au cinéma, le discret Philippe Falardeau a enfin eu avec Monsieur Lazhar la consécration populaire qui lui a trop souvent échappé. Ce film tout en finesse sur l'enfance, sur l'école et sur la camisole de force sociale imposée par la rectitude politique, qui avait pour point de départ un long monologue d'Evelyne de la Chenelière, a mis en valeur ses talents de réalisateur, mais encore davantage sa grande maîtrise de la scénarisation. On lui souhaite la meilleure des chances pour la course aux Oscars, même si elle est loin d'être gagnée.

Mon dernier coup de chapeau m'étonne moi-même, d'autant plus que j'ai failli passer à côté. Allergique aux chevaux et à leur mise en spectacle, je suis allée voir Odysséo à reculons et en priant pour que je me perde en cours de route. Le cas échéant, j'aurais manqué la plus spectaculaire démonstration du génie québécois. Avec Odysséo, Normand Latourelle, qui en est à la fois le producteur et le directeur artistique, a repoussé les limites du spectacle vivant. Un spectacle avec des chorégraphies équestres hallucinantes, une scénographie magnifique, des effets visuels saisissants, signés Olivier Goulet, et des costumes sublimes de feu Georges Lévesque. Un arrimage parfait entre la théâtralité, l'art équestre et la technologie.

J'en profite pour saluer tous les autres artistes et créateurs qui sont trop nombreux pour les nommer, mais qui, chacun à leur manière, nous ont procuré de grands et de petits enchantements. Merci et continuez votre beau travail.

Quant à vous, chers lecteurs, je vous souhaite de joyeuses Fêtes, pleines de neige, de lumières, de crèches et de sapins de Noël (pendant qu'ils sont encore permis), et le plus important de tout: du temps pour respirer.

Pour joindre notre chroniqueuse: npetrows@lapresse.ca