Il y a exactement 18 ans, en 1992, Madonna a sorti Sex, un livre avec couverture en aluminium embouti, la montrant à poil et dans toutes les positions possibles en train de forniquer avec tous les spécimens de l'humanité. À mi-chemin entre le livre de table à café et le livre comptoir de cocaïne, l'ouvrage a fait scandale, surtout chez ceux qui n'avaient pas les moyens de cracher les 59,95$ qu'il en coûtait pour avoir le privilège de regarder la fille la plus connue de la planète dans le plus simple appareil.

À l'époque, j'avais défendu ce livre en y voyant un pied de nez au bon goût et une grosse et réjouissante grimace à la vertu et à la respectabilité. J'étais loin de me douter que la madone avait accouché d'un monstre et lancé une tendance lourde: le mariage toxique de l'exhibitionnisme, de la nudité et du vedettariat.

Depuis, il n'y a pas une couverture de Vanity Fair ou de Paris Match où une vedette, une starlette ou une simple gagnante de Loft Story, n'a pas laissé tomber sa petite culotte et tout le reste pour assurer sa publicité et faire monter sa valeur marchande à la bourse de la notoriété.

La dernière en date est notre Anne-Marie Losique nationale, ou peut-être devrais-je dire notre Anne-Marie locale, qui lancera lundi, avec 18 ans de retard sur Madonna, Confessions sauvages, un livre de soft porn mettant en vedette ses fesses et ses seins «lâchés lousses» sur la route de ses fantasmes.

Contrairement à Madonna, qui n'était pas sectaire et qui baisait avec tout le monde -Blacks, Blancs, lesbiennes sur l'acide, homos sur l'azote, mannequins en goguette et vieux satyres dépressifs- Losique ne joue à touche-pipi qu'avec ses demoiselles. Je soupçonne d'ailleurs que c'est moins par fantasme lesbien que par calcul clientéliste, afin de faire un maximum de ventes auprès des mononcles libidineux mangeurs de roteux pour qui le summum de l'érotisme, c'est deux filles qui se lèchent les babines et le reste.

Détail à noter: les filles recrutées pour ces Confessions sauvages ont la moitié de l'âge de Losique, mais n'hésitent pas à faire le grand écart et à exposer leurs bijoux de famille tandis que Losique, elle, se garde toujours une petite gêne, comme si elle voulait bien jouer, mais sans aller jusqu'au bout. Toutes les photos où elle apparaît sont lourdement retouchées pour qu'elle brille de tous ses faux feux. Exhibitionniste oui, mais sans abandon, comme une agace de bonne famille qui fait semblant de s'encanailler en protégeant ses arrières et en comptant son cash.

Dans une photo copiée de Sex, Losique fait du pouce sur une route. La différence entre Madonna et Losique? Madonna fait du pouce en pleine circulation urbaine, complètement nue sauf pour ses mules. Losique, elle, s'est planquée sur une route de campagne déserte où elle porte culotte, corset et masking tape sur les seins. Bonjour la témérité!

Le livre de Madonna n'était pas parfait, tant s'en faut. Mais on décelait chez la vedette une réelle volonté, à la fois narcissique et sincère, de se mettre à nu et en état de danger. Autant du côté du graphisme que de la mise en scène des photos noir et blanc, l'exercice était mu par une démarche artistique réelle et par la recherche d'un langage esthétique nouveau.

L'esthétisme des Confessions sauvages de Losique est un esthétisme de pacotille, tendance «trashy soviétique», peuplé de filles qui prennent des poses faussement outrageuses comme on en a vu un million de fois dans les revues de soft porn. Le seul intérêt d'un tel produit est la notoriété de la vedette locale qui s'y expose.

Si Anne-Marie Losique est de bonne foi comme elle le prétend, je l'invite à offrir la moitié du tirage de Confessions sauvages aux cliniques de fertilité québécoises afin qu'une nouvelle génération de futurs pères puissent fantasmer sur une vedette locale plutôt qu'une vedette importée. Au moins, Losique ferait oeuvre utile.