Dans l'euphorie du moment, mercredi dernier, quand le juge Auclair a attribué la victoire judiciaire à Claude Robinson et lui a accordé la paternité de la série Robinson Sucroë ainsi qu'une compensation de 5,2 millions, nous avons oublié l'essentiel. Et l'essentiel, c'est que le jugement n'était pas exécutoire.

À cause de cette petite gêne de la part du juge, il est tout à fait possible (voire fort probable) que Christophe Izard, Ron Weinberg et tous ceux reconnus coupables de plagiat et de vol de propriété intellectuelle dans cette sale affaire, contestent le jugement et interjettent appel. Ils ont 30 jours pour le faire. Le cas échéant, Claude Robinson devra attendre encore 100 ans avant de voir la couleur de son argent, si tant est que l'argent finisse par se matérialiser.

Résultat: David aura peut-être triomphé moralement sur Goliath, mais sera toujours aussi cassé et endetté.

En attendant, un pâle soleil s'est mis à briller dans l'île de Robinson grâce au juge qui a ordonné aux plagiaires de cesser d'exploiter l'image de Robinson Sucroë et de cesser de diffuser la série.

Lentement mais sûrement, cette obligation doublée d'un appel à la vérité des faits a contaminé le web et forcé des corrections immédiates.

Ainsi, la chaîne câblée française Gulli, qui a diffusé la série tout l'été et qui prévoyait encore le faire dimanche matin, a cessé abruptement la diffusion de la série sans fournir d'explications aux tout-petits et à leurs parents.

Sur Wikipédia, Christophe Izard est toujours un homme de télévision français connu comme concepteur de programmes pour la jeunesse. Mais depuis mercredi, il est aussi «coupable de plagiat dans la cause l'opposant à Claude Robinson».

Les collaborateurs de Wikipédia (sans doute aidés par des amis de Claude Robinson) ont été parmi les premiers à corriger le tir. On les en remercie.

Sur Animeka, un site qui répertorie toutes les émissions produites par France Animation, le nom de Claude Robinson vient enfin de faire son apparition après avoir été invisible pendant 14 ans au générique de la série.

Robinson et Christophe Izard partagent maintenant le titre d'auteurs de Robinson Sucroë. Mieux encore, lorsqu'on clique sur l'onglet «staff», Claude Robinson est reconnu comme l'auteur du concept, ce qui est une nette amélioration de son statut social.

Animeguides, un site français qui se spécialise dans les guides d'épisodes de séries animées, redonne aussi à Claude Robinson son titre d'auteur du concept de la série.

De toute évidence, les gestionnaires d'Animeguides sont des amis de Christophe Izard, puisqu'ils ajoutent auteur du concept... plagié par Cinar. Sous cette mention, on peut lire que Christophe Izard est l'auteur du dessin animé. Nulle part est-il spécifié qu'il vient d'être reconnu coupable de plagiat.

De ce côté de l'Atlantique, au lendemain du jugement Auclair, l'entreprise Cookie Jar faisait belle figure. Son porte-parole nous assurait que non seulement Cookie Jar avait les moyens de dédommager Claude Robinson, mais que l'entreprise de Toronto n'utilise plus l'image de Robinson Sucroë depuis qu'elle a acquis Cinar en 2004.

Malheureusement, ce n'était pas tout à fait exact. Cinq jours après le jugement Auclair, le site de Cookie Jar offrait toujours la vidéo de présentation de Robinson Sucroë avec sa petite musique entraînante et son générique annonçant que la série est une idée originale de Christophe Izard.

Depuis, la vidéo a été retirée du site et le porte-parole s'est confondu en excuses pour cette omission. N'empêche, si je n'avais pas appelé ce porte-parole lundi pour lui signaler le problème, quelque chose me dit qu'elle y serait encore.

Dans l'île de Robinson comme dans la vraie vie, tout n'est pas parfait. Ainsi, le site d'Amazon France continue de vendre des coffrets DVD de la série pour seulement 9,99 euros.

Le site GTV-Land, qui répertorie les génériques d'émissions, nous annonce qu'en commandant Robinson Sucroë sur PriceMaster, on peut réaliser des économies non négligeables. Qu'est-ce qu'on attend pour se faire plaisir?

Mais la meilleure, c'est l'avertissement au bas de la page d'accueil de GTV-Land, qui nous interdit de télécharger le générique de Robinson Sucroë car ce serait «une violation du code de la propriété intellectuelle», preuve que certains s'arrogent le droit de voler tout en l'interdisant aux autres.

Finalement, une dernière note qui ne manque pas de saveur. En faisant mes recherches, je suis tombée à plusieurs reprises sur la chanson de Robinson Sucroë. La version française est parfaitement nulle et ne dit rien sinon que l'île de Robinson est surpeuplée et qu'il y a des pirates autour.

La version anglaise, dont je n'ai pas réussi à trouver le parolier, est un poème lourd de sous-entendus.

L'île est décrite comme un endroit brutal et féroce, peuplé d'habitants qui refusent que leur secret soit révélé au grand jour et qui veulent continuer à vivre dans un monde dissimulé de tous. Un peu plus et le parolier donnait aux habitants de l'île féroce les noms de Micheline, Ron et Christophe...

 

Photo: La Presse

Claude Robinson