L'avantage d'un gouvernement de droite qui se méfie de la culture, c'est qu'il fouette les troupes artistiques et réveille leurs ardeurs militantes endormies. C'était le cas hier après-midi au Lion d'or pour le coup d'envoi d'une campagne de solidarité et de défense de la Société Radio-Canada.

Coiffée du slogan «Je suis, nous sommes pour un service public de qualité», la campagne organisée par le Syndicat des communications de Radio Canada avait réuni sur scène France Castel, la porte-parole nationale, et ses porte-paroles régionaux, Louise Portal, Yves Lambert, Florent Vollant et Gérald Larose.

 

Tous étaient venus avec le souvenir d'une télé qui a bercé leur enfance, calmé leur isolement, qui les a fait rêver, qui les a poussés à écrire ou qui les a couronnés Miss Couche-tard. Reste que dans la salle devant eux, hormis quelques importantes pointures politiques comme Françoise David, Louise Harel, Claudette Carbonneau et Carole Lavallée du Bloc québécois, il y avait peu de monde et pas un iota d'électricité dans l'air.

À croire que les gens s'étaient réunis pour enterrer le service public plutôt que pour le sauver. On était loin de la fièvre des grands rassemblements d'artistes l'automne dernier pendant la campagne électorale fédérale. Il faut dire qu'à ce moment-là, le but visé était clair et clairement partisan: empêcher coûte que coûte la réélection de Stephen Harper.

La campagne pour sauver la Société Radio-Canada est à la fois plus floue et plus complexe. Dans un premier temps, on veut encourager le public à prendre conscience de l'importance de la SRC et l'inviter à manifester son attachement. Dans un deuxième temps, on veut signaler au gouvernement Harper que s'il continue d'attaquer la qualité de la programmation en sapant continuellement dans ses budgets, il risque de se retrouver avec une armée de téléspectateurs mécontents et d'électeurs frustrés sur le dos. Et si le gouvernement refuse toujours de comprendre, on lui fera la lecture d'un manifeste signé par une centaine de personnalités, jeudi prochain, au pied de la tour du boulevard René-Lévesque, le tout agrémenté de discours et de chansons.

Est-ce le meilleur moyen d'obtenir un financement stable et de freiner l'érosion du service public? Difficile à dire. Chose certaine, ce n'est pas mauvais de rappeler aux gens, comme l'a fait Gérald Larose, que Radio Canada est un espace de liberté et de dialogue essentiel à notre vie démocratique. Et que cet espace est d'autant plus précieux qu'il n'est pas assujetti à une logique marchande qui l'oblige à programmer six saisons de suite Loft Story.

Tout comme il est utile et nécessaire de rappeler que ce service public a été un outil de construction sociale et identitaire dont la culture québécoise n'aurait pu se passer. Mais déclarer son amour, son attachement, sa reconnaissance est une chose. Convaincre un gouvernement, surtout un gouvernement sourd, sceptique et méfiant à l'égard de la culture, en est une autre.

Je suis, nous sommes tous d'accord que Radio-Canada ne doit pas diminuer ni disparaître. Mais cela prendra plus qu'un slogan, plus que des beaux discours, plus que des chansons et un manifeste pour renverser la vapeur des conservateurs. Cela va prendre rien de moins qu'un miracle sinon la défaite du gouvernement aux prochaines élections. Autant dire que je suis, nous sommes... pour.

La surenchère boréale

À partir d'aujourd'hui, et ce, jusqu'au 26 juin, tout le monde va sauter. Depuis Sophie Lorain jusqu'à Rufus Wainwright en passant par Harmonium et Serge Postigo, tous ces artistes, vedettes d'une reprise sur ARTV, vont être sacrifiés sur l'autel de Millénium.

C'est que devant le succès remporté par le documentaire L'horreur boréale, qui s'intéresse au phénomène Millénium et à son auteur, feu Stieg Larsson, ARTV a décidé de chambouler sa programmation. En tout, huit rediffusions spéciales du documentaire ont été prévues à partir d'aujourd'hui à 23h. Fort bien. J'ai vu le documentaire l'autre soir et il résume bien qui était Stieg Larsson, ce journaliste militant de gauche, en guerre contre les groupes néonazis qui l'ont menacé, battu, rendu parano et qui sont peut-être en partie responsable de la crise cardiaque fatale à laquelle il a succombé, une semaine après avoir remis l'épais manuscrit des trois tomes de Millénium.

De plus, le documentaire trace un portrait assez grinçant de la société suédoise, une société où les auteurs de polars morbides pullulent et où la montée de la droite réveille les vieux démons du passé. Le seul reproche qu'on pourrait faire au documentaire, c'est de capitaliser sur un phénomène de mode gonflé à l'hélium et qui ne mérite absolument pas la surenchère dont il est l'objet.

Je n'ai jamais compris le culte entourant Millénium. Et après voir lu le premier tome la semaine dernière, je le comprends encore moins. D'abord Stieg Larsson n'est pas un grand écrivain. Dans le premier tiers de son récit, il informe et nous assomme de faits plus qu'il n'écrit. Puis quand il accouche enfin d'une histoire et d'un suspense, il devient aussi efficace que n'importe quel auteur de polar sans faire ni mieux ni moins bien. Bien franchement, je ne vois pas ce qui justifie toute cette surenchère ni ce qui distingue Stieg Larsson de Henning Mankell, Dennis Lehane ou de Michael Connelly sinon qu'ils sont toujours vivants et lui, apparemment mort.

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