Le 3 juillet 1979, Gilles Pimparé et Normand Guérin ont jeté deux adolescents en bas du pont Jacques-Cartier, créant une onde de choc au Québec. Hier, Gilles Pimparé s'est présenté devant la Commission des libérations conditionnelles. Pour la sixième fois depuis 2001. La réponse a été la même : non à la libération. Notre journaliste a assisté à l'audience. Récit.

Gilles Pimparé était en colère quand les commissaires lui ont dit qu'ils refusaient sa demande de libération conditionnelle.

«On ne peut pas faire abstraction de la gravité des délits», a expliqué la commissaire, Marie-Claude Frenette.

«Votre rigidité, votre manque d'ouverture...», a-t-elle poursuivi.

Pimparé s'est crispé, irrité par la critique.

«Vous avez besoin d'un niveau élevé d'encadrement et de surveillance. Votre projet de sortie est prématuré et vous faites de la pensée magique.»

Elle a conclu qu'il manquait de maturité. Pimparé a secoué la tête, assommé par la décision. «C'est vous qui manquez de maturité!», a-t-il lancé aux commissaires avec une pointe d'agressivité.

Escorté par un agent, il a quitté la salle en colère.

Le 3 juillet 1979, Gilles Pimparé et Normand Guérin ont jeté deux adolescents en bas du pont Jacques-Cartier, une chute vertigineuse de 50 mètres. Ce double meurtre a secoué le Québec.

Avant de les pousser dans le fleuve, Pimparé et Guérin ont violé Chantal, 15 ans, et ils ont tenté d'étrangler Maurice, 14 ans. Lorsque leurs corps ont percuté le fleuve, ils étaient encore vivants.

Pimparé et Guérin ont été condamnés à la prison à perpétuité, admissibles à une libération conditionnelle après 25 ans.

C'est la sixième fois que Pimparé se présente devant la Commission des libérations conditionnelles. Chaque fois, les commissaires ont refusé d'accéder à sa demande. Chaque fois, Pimparé a interjeté appel. En vain. Et chaque fois, Madeleine Hébert, la mère de Maurice, a supplié les commissaires de ne pas libérer Pimparé. Elle a toujours communiqué par vidéoconférence, mais hier, pour la première fois, elle s'est rendue au pénitencier de La Macaza où se déroulait l'audience, et elle a vu l'assassin de son fils en chair et en os.

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Madeleine Hébert était assise dans un coin. Silhouette frêle, cheveux blancs, lunettes noires. Seul un foulard rouge tranchait sur le noir de ses vêtements. La salle était petite, sans fenêtres. Aucun autre membre des familles endeuillées n'était présent.

Gilles Pimparé est entré dans la pièce en jeans et t-shirt blanc, flanqué de son avocat. Tatouages sur les bras, boucles d'oreille, montre au poignet. Il a pris du poids, ses traits se sont empâtés, ses cheveux ont grisonné. Il s'est assis, nerveux. Il avait apporté une bouteille d'eau et un paquet de Kleenex.

Mme Hébert a lu une lettre. Au début, sa voix était hésitante, remplie de sanglots étouffés.

«Ils [Chantal et Maurice] les ont suppliés. Je les vois se débattre avec force, les mots et les regards devaient être intenses et graves. Tout était encore possible, mais Pimparé et Guérin ont choisi et décidé de devenir des assassins et ils les ont jetés 30 mètres plus bas dans le fleuve. Que s'est-il passé pendant ces deux ou trois heures d'horreur? Depuis plus de 35 ans, je me pose cette question. [...] Ma colère reste intacte. Je ne suis pas habitée par la haine, mais plutôt par un questionnement de ne toujours pas connaître la vérité sur ces assassinats ni les raisons qui ont mené à ce drame.»

Gilles Pimparé a pris un Kleenex et il s'est essuyé les yeux.

Ce ne sera pas la seule fois.

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Les commissaires Marie-Claude Frenette et Louis Renault n'ont pas été tendres avec Pimparé. Surtout Marie-Claude Frenette, dont le ton frisait parfois l'hostilité.

«Quand on a été aussi violent et aussi méchant, on ne se questionne pas? lui a-t-elle demandé. [...] Vous présentez les caractéristiques du psychopathe et vous avez été incapable de me dire ce qu'était la psychopathie.»

Son agente de libération conditionnelle, Christine Savard, s'est opposée à sa libération. Pimparé a participé à un programme de délinquance sexuelle, mais sans établir de véritable lien avec les intervenants, a-t-elle expliqué.

«Ce n'était pas un succès retentissant. Le travail d'introspection n'a pas été fait.»

Pimparé a essayé de se défendre. Il a parlé de sa relation avec les femmes au moment des meurtres. «J'avais développé de la haine pour les femmes. Je leur disais: «Ma tabarnak, que tu le veuilles ou non, je vais prendre ce que je veux.» À l'époque, elles me rejetaient. Le soir des meurtres, on avait le goût de violer des femmes.»

Il a juré qu'il avait changé.

En octobre 2012, la Commission des libérations conditionnelles a brossé un tableau sombre de Gilles Pimparé: risque de récidive violente et sexuelle élevé, potentiel de réinsertion sociale et de motivation faible.

En 2000, les autorités carcérales ont découvert 1500 photos pornographiques dans son ordinateur, dont la photo d'une jeune fille nue avec un pont en arrière-plan. En 2012, les gardiens ont trouvé plusieurs magazines pornographiques dans sa cellule.

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J'ai rencontré Gilles Pimparé en avril 2009 au pénitencier de La Macaza. Il m'a raconté son enfance, la violence de son père et sa rage qui a culminé avec les meurtres de Chantal et Maurice.

Une rage que son père a nourrie à coups de claques sur la gueule et d'agressions sexuelles. Quand Pimparé était petit, son père se faufilait dans son lit pour l'agresser. Sa mère se taisait. Et le battait.

À 14 ans, Pimparé était une bombe à retardement. «J'étais réellement violent», m'avait-il dit.

Il a grandi dans la pauvreté, dans le Faubourg à m'lasse, au coin des rues Frontenac et Ontario. C'est là qu'il a rencontré son complice. Normand Guérin, là qu'il a commis ses premiers crimes: vols d'autos, attaques de dépanneurs.

Il prenait de la drogue et de l'alcool. Quelques semaines avant le double meurtre, Pimparé et Guérin avaient volé neuf personnes et violé deux femmes.

Gonflés à bloc, Pimparé et Guérin ont croisé Maurice et Chantal sur le pont. Après les avoir jetés dans le fleuve, ils sont partis à La Ronde manger une pointe de pizza.

Pimparé m'a raconté les meurtres, puis il a dit: «C'était un accident. Personne ne devait mourir ce soir-là.»

Aujourd'hui, il veut retrouver sa liberté. Depuis 1973, il n'a connu que cinq mois de liberté. Cinq mois en 41 ans.

Hier, devant les commissaires, il a dit qu'il n'en pouvait plus de la prison. «Je suis à saturation. Je suis institutionnalisé au boutte. Je ne veux pas mourir en prison.»

Gilles Pimparé a 60 ans.

Pour joindre notre chroniqueuse: mouimet@lapresse.ca

Lettre aux commissaires

Extraits de la lettre que Madeleine Hébert a lue hier devant la Commission des libérations conditionnelles. Elle est la mère de Maurice Marcil, tué en 1979 par Gilles Pimparé et Normand Guérin.

« Depuis ce 3 juillet 1979, je revis la scène des derniers moments de Maurice sur le pont Jacques-Cartier. J'imagine que Chantal et Maurice, malgré leur frayeur, leur terreur, leur souffrance, n'ont jamais cru à l'issue fatale. Ils [Chantal et Maurice] les ont suppliés. Je les vois se débattre avec force, les mots et les regards devaient être intenses et graves. Tout était encore possible, mais Pimparé et Guérin ont choisi et décidé de devenir des assassins et ils les ont jetés 30 mètres plus bas dans le fleuve. [...] Il [Pimparé] reproche l'incompréhension du système à son égard. D'assassin, deviendra-t-il une victime ? 

Pimparé estime qu'il a passé suffisamment de temps en prison. Mais il oublie que le temps s'est arrêté le 3 juillet 1979 à l'âge de 15 ans pour Chantal et de 14 ans pour Maurice. Ses crimes l'ont rendu indissociable de ses victimes. Pour lui aussi, le temps s'est arrêté ce soir du 3 juillet 1979. Il ne peut donc prétendre à une libération sans reconnaître et assumer pleinement ses actes criminels. [...] Ma colère reste intacte. Je ne suis pas habitée par la haine, mais plutôt par un questionnement de ne toujours pas connaître la vérité sur ces assassinats ni les raisons qui ont mené à ce drame.

Tant et aussi longtemps qu'il n'aura pas reconnu et assumé ses actes criminels et fait cette démarche intérieure, celle qui l'aura transformé en un être humain susceptible de réintégrer la société, je continuerai à m'opposer à sa libération. »