Valérie Poulin Collins était obsédée par l'idée d'avoir des enfants. Et elle souffrait de troubles mentaux.

«Elle avait des problèmes psychiatriques importants, c'était majeur, a confié son oncle au bout du fil. Elle avait des délires à propos des enfants.»

Une histoire triste à mourir: une jeune femme de 21 ans qui vit seule dans un immeuble d'appartements à Trois-Rivières avec son obsession et ses chiens, deux chihuahuas. Un immeuble qui ne paie pas de mine, moitié aluminium, moitié brique, beige et délavé, tristounet sous le crachin qui tombe sur la ville.

Obsédée par la maternité, Valérie voulait des enfants. À tout prix.

Lundi soir, elle aurait enlevé un poupon né depuis à peine 16 heures. Elle se serait présentée dans l'unité parents-enfants de l'hôpital de Trois-Rivières habillée en infirmière, elle serait entrée dans la chambre de Mélissa McMahon et elle lui aurait pris son bébé en lui disant qu'elle devait le peser. Puis, elle se serait enfuie en serrant le nourrisson dans ses bras. Comme si c'était le sien.

Selon son amie, Jolaine Licata, Valérie est venue chez elle avec le bébé en lui disant qu'elle venait de l'adopter. Elle avait déjà gardé l'enfant de Jolaine, un garçon de 9 mois, Jason. Valérie était tellement attachée à Jason que Jolaine a pris peur.

«Elle s'occupait de mon gars comme si c'était son fils, raconte-t-elle. Elle lui achetait du linge, elle voulait même l'amener magasiner à Québec. Elle avait des affaires de bébé dans son appartement. Elle a déjà fait une fausse couche à cinq mois.»

Jolaine s'est dit que c'était trop. Valérie ne s'occupe plus de Jason depuis un mois.

«Elle gardait un enfant, confirme son oncle, mais garder pour elle, c'était malsain. Elle en prenait soin comme si c'était le sien.»

Quand Valérie est arrivée chez Jolaine avec le bébé naissant, elle était surexcitée et heureuse. «Trop heureuse, trop contente, trop excitée», se rappelle Jolaine.

«Elle avait comme une obsession de trop vouloir un enfant. Souvent, elle me disait: «Ah! J'ai de la peine, je ne peux pas avoir d'enfants, je ne sais pas pourquoi. Ça me fait vraiment de la peine parce que je vois ma soeur et toutes mes amies enceintes.»» Les deux femmes ont magasiné chez Walmart, puis Valérie est partie chez elle avec le bébé.

On connaît la suite. La police a retrouvé la nouveau-née trois heures plus tard. Son enlèvement a fait flamber les réseaux sociaux. L'histoire et la photo de Valérie ont inondé Facebook et la police a arrêté la jeune femme chez elle en défonçant sa porte.

Le Québec a eu un coup de coeur pour les parents qui ont vécu de terribles heures d'angoisse, mais moi, j'ai d'abord pensé à la suspecte. Qui est-elle? Et pourquoi aurait-elle enlevé un enfant? Elle a 21 ans et la vie devant elle.

Je suis partie à Trois-Rivières et j'ai découvert une petite partie de sa vie, bribe par bribe. Je n'ai vu que sa photo, une mauvaise photo, un peu floue, prise les caméras de l'hôpital.

Sur Facebook, elle projette une tout autre image, celle d'une fille qui sourit en fixant l'objectif, cheveux bouclés, maquillée et pomponnée. Avec une quarantaine de livres en moins. Que s'est-il passé entre ces deux photos, entre ces deux vies, la virtuelle et la vraie?

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Le président de la firme qui gère l'immeuble où vit Valérie connaît bien la jeune femme. «Elle avait des problèmes mentaux, dit-il. La police est venue souvent pour des tentatives de suicide.»

Quand Valérie était en crise, les policiers l'appelaient. S'il ne venait pas tout de suite, ils défonçaient la porte. Le président (il ne veut pas être nommé) se précipitait vers l'immeuble, parfois à une heure du matin. Trois ou quatre fois en trois ans. «Elle prenait beaucoup de médicaments, précise-t-il. Elle n'était pas bruyante. On a peut-être reçu une plainte en trois ans.»

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Quand la police a défoncé la porte de Valérie, les frères Biroté étaient chez eux. Ils vivent sur le même palier qu'elle, au deuxième étage. Jean-Baptiste a vu les sept voitures de police devant l'immeuble. Il a ouvert la porte de son appartement, curieux. Les policiers lui ont demandé de rester chez lui. Il a obéi, puis il a entendu un grand boum!

Quelques minutes plus tard, de la fenêtre de son salon, il a vu un policier avec un bébé dans les bras. Il a tout compris. Lui aussi, avait surfé sur Facebook.

Il croisait parfois Valérie dans l'immeuble. Ils se saluaient poliment, sans plus. «Elle était blême, triste et seule, dit-il. Elle ne souriait jamais. Elle traînait parfois un siège d'auto pour enfants.» Dans la vitre arrière de sa voiture, il y avait un autocollant «bébé à bord».

L'oncle de Valérie, lui, revenait d'une partie de volley-ball lorsqu'il a vu la photo de sa nièce sur Facebook. «J'ai compris la catastrophe, mais je n'étais pas inquiet. Je le sais pas c'est quoi sa bulle, mais c'était pas dangereux pour la santé de l'enfant.»

s Pour joindre notre chroniqueuse: mouimet@lapresse.ca

En avril, Valérie Poulin Collins a été accusée quatre fois de vol et une fois de possession de drogue pour des délits commis en mars. Elle a plaidé non coupable. Elle devait comparaître de nouveau le 30 juin.

Photo tirée de Facebook

La suspecte Valérie Poulin Collins