Bachar al-Assad était d'un calme effrayant. Calme et froid. Pendant une heure, il a répondu aux questions du journaliste américain Charlie Rose. L'entrevue a été diffusée lundi au réseau PBS. Elle s'est déroulée au palais présidentiel, à Damas.

Charlie Rose a bombardé al-Assad de questions: les armes chimiques, la brutalité de sa dictature et celle de son père, la guerre qui tue son peuple, la menace des frappes américaines. Le dirigeant syrien écoutait attentivement, puis il argumentait, comme s'il prenait le thé dans un chic salon de Damas et que son pays n'était pas à feu et à sang.

Charlie Rose lui a dit qu'il avait la réputation d'être un boucher. Assad a répondu qu'un chirurgien qui ampute une jambe infectée par la gangrène n'est pas un boucher, mais un médecin.

Bachar al-Assad a affirmé que la «vaste majorité des rebelles sont des terroristes membres d'Al-Qaïda» et que le peuple syrien est derrière lui. «Comment aurais-je pu tenir pendant deux ans et demi sans l'appui de mon peuple?»

La réalité, c'est qu'il le massacre, son peuple: gaz sarin, bombes larguées sur des civils, tireurs embusqués qui visent les enfants lorsqu'ils font la queue pour acheter du pain.

Il ne reconnaît rien, ni la révolte des Syriens contre sa dictature ni leur lutte pour la liberté.

En août 2012, il déclarait à la télévision: «La situation est meilleure, mais nous n'avons pas encore gagné. Il nous faut du temps et ensuite la Syrie redeviendra la Syrie d'avant la crise.»

Bachar al-Assad vit dans une bulle, coupé de la réalité. Jamais la Syrie ne redeviendra comme avant. Il y a trop de souffrances, trop d'atrocités, les plaies sont trop profondes, le pays, trop bouleversé, trop divisé. Les rebelles aussi massacrent: kidnappings, exécutions sommaires, boucheries.

Assad est un dictateur en sursis. Il ne s'agit plus de savoir s'il va tomber, mais quand. Dans combien de mois? Mais surtout, dans combien de morts?

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Ce n'est pas Bachar qui devait succéder à son père, mais son frère Bassel, un «personnage flamboyant, grand sportif, cavalier émérite, commandant de la garde présidentielle», raconte Xavier Baron dans son livre sur la Syrie (Aux origines du drame syrien, Éditions Tallandier, 2013).

Sauf que Bassel meurt dans un accident d'auto en 1994. Hafez al-Assad se tourne alors vers son fils Bachar qui étudie l'ophtalmologie à Londres, où il vit modestement. Il «menait une vie discrète et rangée», écrit Baron. À la mort de Bassel, Bachar doit rentrer à Damas. Il manque de charisme et il connaît peu le système dictatorial bâti par son père qui exerce une emprise totale sur le pays. Bachar, nous dit Baron, «apparaît comme un néophyte facilement influençable».

Lorsque son père meurt en 2000, Bachar n'a que 34 ans. Après un timide printemps où il tente quelques réformes, il durcit le ton et suit les traces de son père. Les prisons débordent de journalistes, de prisonniers politiques et de militants des droits de l'homme qui sont torturés par les redoutables services de renseignement.

Dictateur de père en fils.

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Peut-on croire Bachar al-Assad lorsqu'il dit qu'il est prêt à remettre son arsenal chimique à la communauté internationale? Lundi, il refusait de dire à Charlie Rose si la Syrie détenait des armes chimiques. Le lendemain, son gouvernement se précipitait pour dire qu'il était prêt à les remettre à l'ONU pour éviter les frappes américaines.

L'opération sera longue et extrêmement complexe. Bachar al-Assad possède 1000 tonnes de gaz chimique, les détruire prendrait des années. Des dizaines d'inspecteurs de l'ONU devront parcourir la Syrie pour localiser les sites et détruire les armes, une mission pratiquement impossible dans ce pays plongé dans une sanglante guerre civile.

Selon le Wall Street Journal, la Syrie a commencé à déplacer une partie de son arsenal chimique, l'éparpillant sur une cinquantaine de sites pour le soustraire aux yeux des inspecteurs.

L'Occident se leurre s'il croit que la disparition des armes chimiques réglera la guerre. Au contraire, rien ne sera réglé. L'Occident ne peut pas faire confiance à Assad, un dictateur prêt à tout pour sauver sa peau et son trône. L'ONU l'a déjà accusé de crimes contre l'humanité, bien avant l'utilisation du gaz sarin. Qu'attend l'Occident pour en finir avec Bachar?