Denis Coderre vient de subir sa première défaite. Son poulain, Harout Chitilian, n'a pas été élu maire de Montréal. Laurent Blanchard, ex-Vision Montréal et président du comité exécutif, a remporté les élections. Le vote a été très serré, 28 à 30, comme en novembre lorsque Michael Applebaum avait arraché la mairie avec 2 voix de majorité.

C'est Anie Samson, mairesse de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, qui parle au nom de Denis Coderre, qui ne met jamais les pieds à l'hôtel de ville.

Hier, avant le vote, Anie Samson était d'une humeur massacrante. «C'est un combat de coqs, a-t-elle dit en parlant de l'élection du futur maire. Montréal est une poule pas de tête, puis là, on met un coq dans la place!»

Pendant le long week-end, le téléphone n'a pas dérougi. Les élus s'appelaient et négociaient. Hier, Jane Cowell-Poitras, une des cinq candidates à la mairie, ne s'est pas gênée pour en parler dans son discours.

«On m'a offert un poste pour que je retire ma candidature. Je ne suis pas à vendre. Contrairement à d'autres candidats, je ne vous ai pas harcelé au téléphone.»

Richard Bergeron, le rigide chef de Projet Montréal, a bien décrit la partie de bras de fer qui venait de se dérouler. «On n'est pas naïfs, on est déjà en campagne électorale.»

Et c'est vrai. L'élection d'hier donnait un avant-goût de la lutte qui se déroulera cet automne. Résultat pour l'instant: 1 pour l'opposition, 0 pour Denis Coderre.

Chaque parti a joué ses cartes. Le candidat de Projet Montréal, François Croteau, s'est retiré et a donné son appui à Laurent Blanchard. En échange, Projet Montréal a obtenu la présidence du comité exécutif, le poste le plus puissant après la mairie.

Projet Montréal a habilement tiré son épingle du jeu. Au lieu de s'obstiner en poussant la candidature de Croteau, qui n'avait aucune chance de l'emporter, le parti s'est rangé du côté de Blanchard, qui partait avec une longueur d'avance.

Louise Harel, chef de Vision Montréal, sort gagnante, elle aussi. Laurent Blanchard, son candidat, passe de président du comité exécutif à maire de Montréal, une ascension fulgurante. Il a flirté avec l'idée aberrante de cumuler les deux postes. Beaucoup trop de pouvoir entre les mains d'un seul homme. Une évidence. Il a finalement cédé son siège de président du comité exécutif à Josée Duplessis, de Projet Montréal. Un bon choix. Elle est solide et intègre, même si elle a déjà été élue en 2005 sous la bannière d'Union Montréal, le parti de Gérald Tremblay.

L'opposition a pris le contrôle de l'hôtel de ville. Une bonne chose. Une opposition qui, poussée par Michael Applebaum, a formé une coalition. Et ça marche. La coalition gère bien la Ville. Le train-train de la Ville. Elle n'a pas le mandat de se lancer dans de grandes réformes.

Quant à Harout Chitilian, il traînait comme un boulet l'image poquée du parti de Gérald Tremblay, dont il a fait partie jusqu'en décembre 2012. Malgré tout, il s'est classé deuxième dans la course.

Harout Chitilian n'a que 32 ans et de l'ambition à revendre. Hier, son discours était confus. Il a parlé des fondateurs de Montréal, Maisonneuve et Jeanne-Mance, et de ses principes, intégrité, neutralité, respect et résilience. Un discours échevelé qu'il a terminé en disant que «l'amour de Montréal est dans le coeur des Montréalais». Hum...

Où voulait-il en venir? Aucune idée.

Denis Coderre n'a pas parié sur le bon cheval.

J'ai été étonnée de voir autant de candidats - cinq - se bousculer pour devenir maire. Pourtant, le travail est à risque. Montréal a connu trois maires en moins d'un an. Ça fait beaucoup pour une seule ville. Gérald Tremblay a démissionné en novembre, terrassé par les scandales; Michael Applebaum, lui, est parti la semaine dernière parce qu'il a été arrêté et accusé de corruption.

Bon signe pour Montréal? Peut-être. L'attrait du pouvoir? Sûrement.

Pour joindre notre chroniqueuse: mouimet@lapresse.ca