J'ai rarement vu Gérald Tremblay aussi tendu. Pourtant, il en a vécu, des scandales: les compteurs d'eau, le Faubourg Contrecoeur, les départs controversés de ses plus proches collaborateurs, l'espionnage des courriels du vérificateur.

Hier, le maire voulait parler de son budget, mais les journalistes n'en avaient que pour les révélations explosives à la commission Charbonneau de l'ex-organisateur de son parti, Martin Dumont. Le maire, a affirmé Dumont, savait que les entrepreneurs inondaient son parti d'enveloppes brunes.

Pendant le point de presse, les journalistes se sont jetés sur Gérald Tremblay. Certaines questions étaient agressives.

Vous augmentez les taxes de 3,3%. Comment pouvez-vous justifier ça avec toutes les allégations de corruption? a demandé l'un d'entre eux.

Êtes-vous intègre? a lancé un autre.

Est-ce que votre hausse de taxes va aller dans les coffres de votre parti?

Le maire essayait de se défendre. Au début, il était calme, puis il s'est énervé. «Je ne me cache pas! Je suis présent et je ne suis pas malade! Ne me posez plus la question!»

Mais les journalistes n'avaient que la commission Charbonneau à la bouche et la révélation-choc de Dumont affirmant que Gérald Tremblay savait pour l'argent sale. Un témoignage dévastateur. C'est la première fois que le maire est directement impliqué. Le budget était loin, très loin. Une journaliste a posé une question sur la décision de la Ville de donner aux arrondissements 5% de son assiette fiscale. Les autres l'ont regardée comme si elle était une extraterrestre.

On sentait que les journalistes n'avaient plus aucun respect pour le maire. Il y avait une odeur de fin de règne dans l'air.

Le budget est donc passé dans le beurre. Dommage. Rien de fracassant, quelques petits tours de passe-passe agaçants et deux ou trois idées intéressantes.

En gros: une hausse des dépenses limitée à 2,7%, alors que l'année précédente, elles avaient grimpé de 5,2%, des arrondissements qui ont enfin une enveloppe budgétaire indexée et de l'argent frais pour les arrondissements les plus pauvres, les Montréal-Nord de ce monde.

Sans oublier la petite révolution sur la façon de verser l'argent aux arrondissements. La Ville leur a cédé un petit espace fiscal qu'ils pourront gérer comme bon leur semble. Ils ne dépendront plus totalement du bon vouloir de l'administration Tremblay, qui pouvait les affamer en gelant leurs budgets pendant des années.

La Ville augmente les taxes de 3,3%. Gérald Tremblay parle plutôt de 2,2%, soit le niveau de l'inflation. Sauf qu'il faut ajouter 1,1% pour le fonds de l'eau. Mais le maire refuse de faire l'addition. Pourtant, n'importe quel Montréalais est capable d'additionner 1,1 " 2,2. Le compte de taxes, lui, sera majoré de 3,3%, peu importe l'enrobage politique qui essaie de faire passer 3,3% pour 2,2%.

Donc, 3,3%. Le maire aurait pu trouver un autre chiffre que 3, trop associé aux enveloppes brunes. Trois, un chiffre qui a mauvaise réputation. Selon les témoignages entendus à la commission Charbonneau, le parti du maire, Union Montréal, aurait reçu une cote équivalant à 3% de la valeur des contrats, de l'argent sale qui passait entre les mains de la mafia.

Les Montréalais vont payer leur compte de taxes la rage au coeur, en pensant aux centaines de millions empochés pendant des années par la mafia, les entrepreneurs corrompus et Union Montréal.

Le ministre responsable de la métropole, Jean-François Lisée, a dit, hier, que le «statu quo est intolérable». La pression est de plus en plus forte pour que Gérald Tremblay parte le plus vite possible. Le gouvernement ne peut pas destituer un maire. Par contre, il peut lui faire comprendre que sa présence est indésirable. C'est ce que Lisée a fait.

Est-ce que Gérald Tremblay a compris le message? Hier, il continuait à «gérer» sa ville, comme si de rien n'était. Montréal va bien, a-t-il dit pendant le point de presse. Il a même ajouté cette phrase surréaliste: «Je voudrais vous demander de respecter mon processus de maire de Montréal.»

Tout va bien? Seul Gérald Tremblay le croit. Il vit sur sa planète, la planète Tremblay, où il n'y a qu'un seul habitant, lui.