Gérald Tremblay accroche ses patins. Au début du mois de novembre, il va annoncer qu'il ne sollicitera pas un quatrième mandat. Mais il refuse de démissionner. Dommage.

À Laval, le bras droit de Gilles Vaillancourt a annoncé, hier soir, que le maire «se retire temporairement pour des raisons de santé». Et il a précisé, le plus sérieusement du monde, qu'il «n'y a pas de crise à la Ville». Pas de crise. À Laval. Ah bon, merci de me tenir au courant.

Vaillancourt non plus ne démissionne pas.

Décidément.

Revenons à Gérald Tremblay. Il n'a plus une once de crédibilité pour gouverner Montréal. Des fonctionnaires corrompus ont truqué des contrats et empoché des pots-de-vin pendant 10 ans. Tout le monde était au courant, c'était un «secret de polichinelle», a dit Gilles Surprenant, ingénieur à la retraite qui a reçu plus de 700 000$ d'argent sale. D'après son témoignage devant la commission Charbonneau, ses patrons participaient à la corruption. Les entrepreneurs, organisés en clique, encaissaient des montagnes d'argent en gonflant les prix des contrats de 30% à 35%. Et le maire ne savait rien?

La corruption, érigée en système, dépassait largement Gilles Surprenant et son département des égouts. L'ex-entrepreneur Lino Zambito a parlé de contrats truqués. Ils n'étaient pas tous l'oeuvre de Surprenant. «Cinquante et un contrats mentionnés par Zambito ne venaient pas de chez nous, s'est défendu Surprenant. Ça se passait dans d'autres départements, d'autres arrondissements.»

D'autres départements et d'autres arrondissements. Dieu du ciel, quelle était l'ampleur de la corruption? Quels départements? Quels arrondissements? Et le maire ne savait rien? Son parti, Union Montréal, a été éclaboussé. Il aurait reçu une cote équivalente à 3% de la valeur des contrats, une cote qui passait entre les mains de la mafia. Son comité exécutif a été montré du doigt et sa garde rapprochée, accusée de complot, de fraude et d'abus de confiance. Et Gérald Tremblay ne se doutait de rien? Personne ne l'avait mis au courant du «secret de polichinelle», lui, le maire, le premier magistrat qui gouverne Montréal depuis plus de 10 ans et qui était aux premières loges pendant les années où la corruption battait son plein? Pourquoi n'a-t-il pas fait le ménage, le vrai ménage, et posé des questions, les vraies questions, quand il a vu le prix des contrats exploser?

Gérald Tremblay n'a jamais été sali, contrairement à Gilles Vaillancourt. Mais pour le reste, c'est le naufrage. Son incompétence, son incapacité à stopper la corruption qui a fleuri sous son nez pendant des années, sa propension à s'entourer de gens douteux, le classent parmi les maires les plus incompétents de l'histoire de Montréal.

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Le cas de Gilles Vaillancourt est différent. Il a été personnellement éclaboussé.

Gilles Vaillancourt s'accroche au pouvoir, mais la perquisition d'hier risque de porter un coup fatal à son entêtement. Pour l'instant, il n'y a que des perquisitions, mais ça commence à sentir le roussi.

Hier, la police a perquisitionné dans ses coffrets bancaires. Au début du mois d'octobre, la police a visité sa maison et l'hôtel de ville. L'ex-entrepreneur Lino Zambito l'a accusé de recevoir une cote de 2,5% de la valeur des contrats. Lui, personnellement. Des accusations qui vous déshabillent une réputation.

Doit-il démissionner? La réponse est évidente. Si Gérald Tremblay n'a plus une once de crédibilité, le maire Vaillancourt, lui, n'a plus une once de réputation. Quand la police débarque dans ton bureau, ta maison et ta banque, ça regarde mal.

S'il démissionne après le 4 novembre, soit à moins d'un an de l'échéance électorale, un maire par intérim sera élu par un vote secret du conseil municipal. Il n'y aurait donc pas d'élection pour remplacer Vaillancourt. Ou Tremblay. Raison de plus pour leur montrer la porte.

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Hier, des ministres ont presque demandé la démission de Tremblay et de Vaillancourt. Presque. Jean-François Lisée, responsable de la métropole, Agnès Maltais, ministre du Travail, et Sylvain Gaudreault, ministre des Affaires municipales, mettaient de la pression sur eux.

Québec ne peut pas faire grand-chose. Un ministre ne peut pas suspendre ou destituer un maire. Seul un juge peut le déclarer inhabile à siéger. Quant à la tutelle, les pouvoirs du gouvernement sont étroitement encadrés par la loi. Une ville doit être paralysée pour être mise en tutelle, m'a expliqué le président de la Commission municipale, Denis Marsolais.

Montréal et Laval ne sont pas paralysés. Tout fonctionne: le conseil municipal se réunit, les règlements sont adoptés, les trottoirs réparés, les ordures ramassées. Et même étalées devant la commission Charbonneau.

Impossible, dans ces conditions, de décréter une tutelle. Les contribuables regardent, impuissants et ulcérés, ce grand étalage d'argent volé, de pots-de-vin, d'entrepreneurs véreux, de fonctionnaires corrompus.

On ne peut pas imposer une tutelle pour turpitude morale. Dommage.

Vaillancourt et Tremblay s'accrochent, même si leur pouvoir vacille. Leur agonie à petit feu, alimentée par la mécanique quasi obscène de la corruption décortiquée devant la commission Charbonneau, devient insupportable. Qu'ils démissionnent et qu'on en finisse une fois pour toutes.