Le premier réflexe est de dire: «Pas encore!» Puis vient la résignation, le grand soupir du contribuable.

À Montréal, les taxes vont augmenter de 2,2% en 2013. L'inflation. Raisonnable. Mais, à ce chiffre, il faut ajouter 1,2% pour la taxe d'eau. Total: 3,4%. Au-delà de l'inflation.

La Ville a la fâcheuse habitude de découper ses hausses en rondelles, comme si c'était un saucisson, et de les présenter en pièces détachées. Elle se vante de limiter ses hausses au niveau de l'inflation, mais c'est de la rhétorique. Pour le contribuable, ces contorsions ne changent rien. Quand les comptes de taxes vont atterrir dans les boîtes aux lettres en mars 2013, le total sera de 3,4% et non de 2,2%.

Au cours des trois dernières années, les taxes ont augmenté plus vite que l'inflation: 3% en 2012, 4,2% en 2011 et 5,2% en 2010.

Une hausse de 2,2%, ça va, je comprends. Le contraire serait malsain. Les effets pervers du gel sont connus. Les coûts de système augmentent à cause de l'inflation. La Ville piétine si elle gèle son budget. Elle ne peut pas se développer. «L'inflation, c'est un minimum», m'a expliqué Pierre Hamel, professeur à l'INRS.

Mais aller au-delà de l'inflation? Et ne pas le dire ouvertement, comme si le contribuable était trop nono pour additionner 2,2% + 1,2%? Que la Ville assume ses décisions et dise les choses franchement.

Continuons les additions. Ces 3,4% ne tiennent pas compte des taxes locales imposées par les arrondissements. Actuellement, 9 des 19 arrondissements imposent une telle taxe. Et de ces neuf arrondissements, huit sont contrôlés par le parti du maire Gérald Tremblay.

La valeur du parc immobilier a explosé au cours des dernières années. L'impact sur les taxes est direct. Si votre maison vaut plus cher, vous payez davantage de taxes. Et si vous avez le malheur de vivre dans les arrondissements du Plateau-Mont-Royal, du Sud-Ouest ou de Rosemont-La Petite-Patrie, où la valeur des maisons a augmenté plus vite que la moyenne, votre facture sera drôlement salée. Attachez votre tuque et sortez votre chéquier, ça va faire mal.

Sans oublier les hausses des tarifs des transports en commun. En 10 ans, la carte mensuelle a grimpé de 50%.

On est loin de l'inflation.

La Ville a tout de même réussi à contrôler un peu mieux ses dépenses. Elles augmenteront de 3,8% en 2013, alors qu'elles avaient grimpé de 5,2% en 2012. Pourtant, elle a accordé à ses policiers une hausse de salaire de 2,5% en 2012, 2013 et 2014. Drôlement chanceux, les policiers, d'avoir arraché une augmentation aussi généreuse alors que la Ville se débat avec ses monstrueux régimes de retraite. Mais les policiers sont un État dans l'État. Le maire les bichonne.

Gérald Tremblay a tout de même quelques bons coups à son actif. Cette fameuse taxe d'eau était nécessaire. La Ville devait de toute urgence réparer sa vieille tuyauterie qui fuyait de partout. Au lieu de pleurer dans les jupes de Québec ou d'Ottawa pour leur quémander de l'argent, le maire a créé un «fonds de l'eau» en 2003, une décision lucide et courageuse. Comme me l'a dit Pierre Hamel, imposer une taxe pour rafistoler des tuyaux que personne ne voit, ce n'est pas «sexy». Autre bonne décision: indexer les budgets des arrondissements et leur céder 10% de son assiette fiscale.

En 2013, il y aura des élections. Ça m'étonne que les taxes augmentent plus vite que l'inflation. Pas très vendeur. D'où la méthode du saucisson.