Comme ça, Jacques Villeneuve, ex-champion de Formule 1, pense que les étudiants sont des fainéants qui font peur aux touristes et embarrassent le Québec à l'étranger. Et ils sont mal élevés parce que leurs parents n'ont jamais appris à leur dire non.

«Ils passent leur temps à se plaindre, a-t-il expliqué jeudi lors d'un point de presse où il a enfilé les clichés plus vite qu'un bolide de Formule 1. C'est devenu un peu ridicule [...] C'est le temps de retourner à l'école!»

Enfants-rois, bébés gâtés, parents incompétents. Du mépris et du paternalisme.

Hier, Villeneuve en a rajouté une couche en parlant de terrorisme. Si les étudiants bloquent le métro qui se rend à l'île Notre-Dame, «ce sera un acte terroriste». Et comment va-t-on appeler les attentats suicide qui font des dizaines de morts? On va bientôt manquer de vocabulaire.

Jacques Villeneuve fait la leçon aux étudiants, lui qui a fréquenté un collège huppé en Suisse et qui refuse d'envoyer ses enfants dans une école québécoise, car «on nivelle par le bas».

La twittosphère s'est déchaînée. J'ai souri en lisant les commentaires: «Jacques Villeneuve chantait comme une casserole»; «Jean Charest et Jacques Villeneuve ont un point en commun, quand ils parlent, ils me donnent envie de manifester.»

Merci, M. Villeneuve, pour ce moment de détente.

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Je comprends pourquoi des Québécois et des politiciens ont été indignés lorsqu'ils ont vu Amir Khadir participer à une manifestation illégale. Pour le criminaliste Jean-Claude Hébert, un «député a un devoir de réserve plus grand, car il vote les lois à l'Assemblée nationale. Il ne peut pas choisir quelle loi ne fait pas son affaire».

Amir Khadir n'a pas commis d'acte criminel. «Il a entravé une voie publique et sa sanction est un constat d'infraction», a précisé Me Hébert.

Il a tout de même enfreint l'esprit de la loi 78.

Au-delà de l'argument légal, Amir Khadir a-t-il le droit moral de participer à une manifestation illégale? Est-ce que la loi 78 est à ce point inique qu'elle justifie le recours à la désobéissance civile?

Khadir a parlé de Martin Luther King pour expliquer son geste. Si j'étais lui, je me garderais une petite gêne. On est loin de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis.

J'ai parlé à Amir Khadir. «Je ne vois pas le député comme un gardien du temple qui doit protéger les institutions, a-t-il dit. Au contraire, je veux les changer et les bousculer, ces institutions! C'est ça, Québec solidaire.»

Et c'est ça, Amir Khadir, un député pas comme les autres qui dérange. Et qui manifeste envers et contre tous. Pourquoi pas.

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Gilbert Rozon en a fait couler, de l'encre, cette semaine. Et il en a twitté un coup.

Il avait peur pour son festival, peur que les étudiants débarquent avec leurs casseroles, peur à l'image de son grand rassemblement. Une partie de son festival se déroule dans la rue. Et la rue est plutôt agitée par les temps qui courent. Il voulait rencontrer les leaders étudiants parce qu'il avait besoin d'être rassuré.

Il était tellement inquiet qu'il a perdu les pédales. Il ne parlait plus de perturbations, mais de menaces, de chantage et de prise d'otage.

Prise d'otage? «C'était peut-être trop fort, a admis Gilbert Rozon après sa rencontre avec les étudiants, mais j'avais un problème avec l'appel à la désobéissance civile de Gabriel Nadeau-Dubois et la phrase de la CLASSE: "Je vais vous l'organiser, votre Grand Prix!"»

Gilbert Rozon a demandé aux leaders étudiants de s'engager par écrit à ce qu'il n'y ait aucune perturbation pendant les festivals. Il faut être culotté. Même le premier ministre n'a pas été aussi loin.

Comment peut-il exiger un tel engagement? Quelle est sa légitimité? Gabriel Nadeau-Dubois a bien résumé la situation. «Nous ne sommes pas redevables à Gilbert Rozon. Si chaque homme d'affaires inquiet pour son porte-monnaie exige de négocier avec nous, on ne s'en sortira pas. Nous, on veut négocier avec le gouvernement.»

Ce n'était pas à Gilbert Rozon de prendre l'initiative d'une telle rencontre, mais plutôt au maire de Montréal. Au début, Gérald Tremblay ne voulait pas rencontrer les étudiants, car «il n'avait pas de mandat», sauf que personne ne lui avait demandé de trouver une solution à la crise. Son rôle était de rassurer.

C'est la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, qui a demandé une rencontre avec le maire. Gérald Tremblay a accepté, mais il n'a pris aucune initiative.

Dans cette histoire, le maire a perdu son leadership et Gilbert Rozon, son sens de l'humour.