Quelle drôle d'entente. Compliquée, ambiguë et qui repose sur un pari presque impossible: demander aux universités d'admettre qu'elles jettent l'argent par les fenêtres. Les fédérations étudiantes se sont piégées avec leur propre rhétorique. La semaine dernière, la FECQ (cégeps), la FEUQ (universités) et la CLASSE ont réclamé le gel des droits de scolarité, une mesure facile à financer, ont-elles précisé. Les universités n'ont qu'à couper dans le gras et mettre fin aux folies: publicité commerciale, dérive immobilière, salaire des recteurs, indemnités de départ, etc.

Les universités gaspillent? Fort bien, a dit le gouvernement, prouvez-le et vous l'aurez, votre baisse.

C'est, en gros, ce que prévoit l'entente de principe que la CLASSE a dénoncée, hier, même si elle l'a signée samedi. Les deux autres fédérations, FEUQ et FECQ, ont demandé que l'entente soit réécrite pour dissiper les zones grises.

L'entente prévoit la création d'un conseil provisoire qui va scruter les dépenses des universités dans le but de trouver des «économies récurrentes». Le conseil devra prouver que ces dépenses sont inutiles ou constituent du gaspillage.

Les économies serviront à diminuer les frais institutionnels obligatoires (FIO) de 125$ par trimestre, soit l'équivalent de la hausse des droits de scolarité.

En principe, tout le monde, ou presque, profite de l'entente: les étudiants qui stabilisent leur facture puisque l'augmentation des droits sera annulée par la baisse des FIO, et le gouvernement qui ne touche pas à sa hausse de 82%.

Seuls les recteurs perdent au change. Non seulement ils se ramassent avec un conseil qui aura le mandat de scruter leurs finances, mais ils devront aussi faire la preuve qu'ils sont de bons gestionnaires.

Mais en réalité, les étudiants se sont fait rouler dans la farine. Par leur propre faute. Ils sont tellement convaincus que les universités flambent leur fric qu'ils n'ont pas hésité une seconde à parapher l'entente. lls ont oublié que le diable est dans les détails.

Qu'est-ce qui constitue du gaspillage? La délocalisation des campus? Faut-il empêcher les Université de Sherbrooke de ce monde d'ouvrir des succursales dans la cour de leurs concurrentes? Pas sûre que les représentants des recteurs, du monde des affaires et du gouvernement vont se prononcer contre la multiplication des campus. Et ils vont être majoritaires au conseil provisoire. Les étudiants n'ont que 4 sièges sur 19, 8 si on ajoute les représentants syndicaux.

Et une fois les folies éliminées - indemnités de départ, comme à Concordia, dérive immobilière, comme l'îlot Voyageur -, le conseil devra s'entendre sur une définition et établir des critères pour évaluer les dépenses discutables. Vaste chantier. Et vaste foire d'empoigne à prévoir.

Si l'entente est entérinée par les associations étudiantes - les premiers votes indiquent toutefois un rejet massif -, et si le conseil provisoire réussit à dégager des économies, les universités vont se retrouver dans une situation absurde.

La hausse brutale des droits de scolarité a été adoptée parce que le gouvernement veut injecter de l'argent dans les universités sous-financées pendant des années. Et les besoins sont énormes: regarnir les bibliothèques, embaucher des professeurs, investir dans la recherche fondamentale...

Avec l'entente de principe, le gouvernement donne d'une main avec la hausse des droits et enlève de l'autre en sabrant les FIO. Les universités vont se retrouver Gros-Jean comme devant.

Retour à la case départ.

Misère.

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Les FIO gonflent la facture des droits de scolarité. En moyenne, ils atteignent 800$ par année. Par étudiant. Ils varient d'une université à l'autre. McGill, par exemple, exige des frais qui varient entre 1038$ et 2038$ par année, selon le programme.

C'est énorme. Cette somme s'ajoute aux droits de scolarité.

Quand on compare le Québec aux autres provinces, on ne calcule jamais les FIO. Pourtant, ils existent bel et bien.

Ces frais ont explosé à la fin des années 90, dans la foulée des compressions qui ont saigné à blanc les universités. Les budgets avaient été passés à la tronçonneuse, l'État avait diminué ses subventions de 25%. Et les droits de scolarité étaient gelés.

Les recteurs ont donc commencé à multiplier les FIO (frais d'examen, d'inscription, d'admission, etc.). La facture a grimpé. Les FIO sont devenus des droits de scolarité déguisés qui augmentaient de façon débridée, sans aucun contrôle. En 2008, Québec a limité la hausse de ces frais.

L'idée de l'entente de principe est bonne: amputer, voire annuler ces FIO qui ont poussé comme un cancer. Mais elle est mal ficelée et elle risque de finir à la poubelle.

Et il faudra tout recommencer.