La ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, a fini par tendre la main. Hier, lors d'un point de presse organisé à la va-vite, elle a dit qu'elle était prête à rencontrer les étudiants, brisant enfin le mur de béton, pour ne pas dire de mépris, qu'elle avait érigé autour d'elle.

Après neuf semaines de grève, les étudiants ont réussi à percer l'armure du gouvernement, même si l'ouverture est minime. Trop peu, trop tard? Sûrement. Mais peu importe, une main a été tendue et le mépris a fait son temps. Le refus obstiné de la ministre était insultant pour les étudiants et son attitude inflexible était reçue comme une gifle.

Hier, elle leur a enfin parlé comme s'ils étaient des adultes et non des adolescents attardés qui chahutent. Elle les a pris au sérieux, elle a reconnu leur pouvoir d'influence. Sauf que les gains sont minimes: pas question, a précisé la ministre, de parler des droits de scolarité. La hausse de 75% reste. Là-dessus, elle est inflexible. Par contre, elle est prête à créer une commission indépendante permanente sur la gestion des universités, une commission à laquelle siégeront des étudiants.

L'idée de la commission vient de la Fédération étudiante universitaire (FEUQ), et la ministre a pris la peine de le souligner. D'ailleurs, une vingtaine de minutes avant le point de presse, Line Beauchamp a appelé la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, pour la mettre au parfum. Martine Desjardins n'en revenait pas. Une première en neuf semaines.

Mais cette victoire, aussi petite soit-elle, est amère, car la ministre a posé une condition: elle ne veut pas que la CLASSE, l'aile radicale du mouvement étudiant, participe aux discussions.

Une condition inacceptable qui risque de tuer dans l'oeuf toute tentative de rapprochement. C'est le scénario de 2005 qui se répète: après des semaines de grève, le gouvernement avait accepté de rencontrer les étudiants, mais il avait exclu la CASSE, l'ancêtre de la CLASSE. Cette décision avait créé de vives tensions à l'intérieur du mouvement étudiant. Cette année, ils se sont juré qu'ils resteraient solidaires. Vont-ils tenir tête à la ministre et exiger que la CLASSE soit invitée? Martine Desjardins jure que oui. «C'est une exigence, une condition sine qua non», m'a-t-elle dit hier soir.

La ministre justifie sa décision en disant que la CLASSE a refusé de dénoncer les actes de violence des derniers jours: le saccage de son bureau de circonscription et le vandalisme à l'Université de Montréal.

Sauf que cette condition est cousue de fil blanc. La FEUQ aussi a refusé de condamner la violence. «On s'est dissociés des actes de violence, a précisé Martine Desjardins, mais on ne les a pas condamnés. On ne veut pas jouer aux juges.»

Alors pourquoi cette exclusion? Pour diviser et, du même coup, affaiblir le mouvement étudiant? Le bon vieux diviser pour régner? J'ignore qui conseille la ministre, mais il mériterait un bon coup de pied au derrière. Le stratagème est grossier.

Donc, les universités seront scrutées à la loupe et les étudiants auront leur mot à dire. Intéressant. Mais est-ce que cette commission aura de réels pouvoirs? Est-ce que les étudiants pourront se pencher sur les finances des universités et examiner les allocations de dépenses des recteurs? Pourront-ils se prononcer sur des décisions, comme la construction immobilière et les montants alloués à la recherche?

Si cette commission voit le jour, les membres seront fort occupés, car il s'en est fait des folies au cours des années derrière les augustes murs des universités: Concordia a versé des primes de départ scandaleusement généreuses à ses recteurs, sans oublier les millions dépensés en publicité et le maraudage immobilier qui a poussé des universités à bâtir des campus dans la cour de ses concurrentes, comme Sherbrooke à Longueuil.

Si la ministre est sérieuse, si la commission a de vrais pouvoirs, les universités devront marcher les fesses serrées.

Les prochains jours seront décisifs. Les étudiants entament leur dixième semaine de grève. Il n'est plus minuit moins cinq, mais minuit pour sauver les trimestres.

La semaine s'annonce difficile. La ministre Beauchamp a lancé un appel aux cégeps et aux universités, leur demandant de reprendre les cours, même si une majorité a voté pour la grève. C'est un appel honteux qui fait fi de la démocratie étudiante et encourage les gens à briser les piquets de grève.

Les cégeps de Valleyfield et de Saint-Jean-sur-Richelieu vont ouvrir leurs portes demain, même si le vote pour la grève est majoritaire. Même chose pour l'Université de Montréal, qui a demandé à ses professeurs de se présenter en classe et envoyé un courriel aux étudiants.

«Nous tenons à vous informer, a écrit l'Université, qu'à compter du lundi 16 avril, les cours et les évaluations qui seront donnés, même devant un groupe partiel d'étudiants, ne seront pas repris ultérieurement.»

Le message est clair: vous vous présentez aux cours, sinon, c'est l'échec.

Les grévistes auront un choix déchirant à faire: continuer la grève ou échouer.

Pour joindre notre chroniqueuse: michele.ouimet@lapresse.ca