Vendredi matin, 6h50. Le jour se lève, le ciel passe du gris au bleu. Il fait beau. Encore. Ça sent le printemps.

Une cinquantaine de personnes sont déjà arrivées à l'hôtel Le Reine Elizabeth, au centre-ville. Réunies dans une grande salle, elles boivent du café et grignotent des croissants. Beaucoup de complets-cravates. Peu de femmes dans cette foule composée surtout d'hommes d'affaires.

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain a organisé un forum pour discuter des grands projets de la ville. Le titre: La relance se construit maintenant.

 

La relance? Est-ce que la Chambre de commerce admet que Montréal s'est embourbé et a besoin d'être relancé?

«Non, non, précise, nerveux, le président, Michel Leblanc. On parle de la relance après la crise économique mondiale.»

Ah.

Montréal va bien, Montréal va très bien. Tout va bien.

La Chambre attend 330 personnes. La grande salle est pleine à craquer. Le public, docile, écoute sagement le maire et rit de ses blagues.

Car le premier invité est le maire de Montréal, Gérald Tremblay. Il est en grande forme, le maire. Il sort de son texte, fait des blagues, s'emporte et brasse la cage. Un Gérald Tremblay mordant qui pourfend les oiseaux de malheur qui osent dire que sa ville souffre d'immobilisme.

«Je veux chasser le spectre de l'immobilisme qui semble être réapparu, lance-t-il. C'est devenu un mantra de dire qu'il y a de l'immobilisme. Non, il n'y en a pas, au contraire! (...) Oui, on peut faire du Montréal bashing, mais il faut rester positif. (...) Si vous voulez reprendre le discours de l'immobilisme, j'ai trouvé la recette: je n'écoute plus!»

Étonnant. Un maire qui n'écoute plus. Gérald Tremblay ne nous a pas habitués à cette méthode musclée, lui qui a toujours cultivé la bonhomie.

Il reconnaît que tout ne tourne pas rond dans sa ville. Oui, il y a des «lourdeurs» et «certaines lenteurs».

«Au-delà des critiques, est-ce qu'il faut toujours blâmer quelqu'un? Est-ce qu'il faut toujours ME blâmer? On devrait se dire: «Le maire n'est pas seul, on l'aime bien, le maire», mais mosus, (...) c'est lourd. (...) Il faut trouver une façon d'améliorer notre efficacité.»

Il s'empresse d'ajouter que Montréal croule sous les projets. Le problème, c'est que la grande majorité de ces projets restent sur papier. Combien y a-t-il eu de pelletées de terre en neuf ans, c'est-à-dire depuis que le maire est au pouvoir? Une, deux peut-être.

Tout prend une éternité. L'immobilisme existe. Ce n'est pas du Montréal bashing, c'est de la lucidité.

Montréal ne porte pas tous les péchés du monde sur ses épaules et le maire ne peut pas tout régler en claquant des doigts. Plusieurs projets lui échappent.

Le CHUM, par exemple. C'est le gouvernement du Québec qui tire les ficelles et il faut être de mauvaise foi pour accabler le maire. Les retards sont gigantesques, les coûts astronomiques.

Par contre, d'autres projets relèvent directement de la Ville. La phase I de l'autoroute Bonaventure, par exemple. Je me rappelle la conférence de presse qui avait annoncé, en avril 2007, le réaménagement de l'autoroute en boulevard.

Un projet ambitieux qui inclut la construction d'édifices entre les voies nord et sud du futur boulevard. Le maire était emballé. Coût: 90 millions. Début des travaux: automne 2009.

Mars 2010, il n'y a toujours rien. Coût: 140 millions... si le projet démarre cet été. L'Office de consultation publique vient de terminer son rapport. Les choses devraient bouger. Mais nous sommes à Montréal, ne nous emballons pas.

Ce retard est inexcusable. Le terrain appartient à la Ville, l'argent est là, pourquoi rien ne bouge? On tourne en rond? On suppute? On tâte? On se questionne? Allez savoir. Je gagerais sur l'immobilisme et la lenteur géologique de la machine municipale.

À la fin de la grand-messe organisée par la Chambre de commerce, le maire a rencontré les journalistes. «Est-ce la fin de l'immobilisme?» a demandé un chroniqueur de The Gazette.

«Y a-t-il jamais eu d'immobilisme?» a répliqué Gérald Tremblay.

Il faudrait peut-être laisser la parlotte de côté et agir. C'est bien beau, les forums, mais ça ne donne pas grand-chose.

Je n'ai rien appris, hier. Aucune idée nouvelle, que du réchauffé. Les conférenciers - CHUM, Quartier des spectacles, etc. - ont brassé et rebrassé les mêmes idées en s'excusant pour les délais - et la facture - qui s'allongent. Du concret? Rien, ou si peu.

Parle, parle, jase, jase, Montréal n'ira pas loin avec ça.